Le vent du renouveau

Le vent se lève... Il faut tenter de vivre... 

         Le vent ouvre et referme les pages de mon livre.

                                           Paul Valéry

Le vent du renouveau soufflerait-il dans les vallées, montagnes et plaines de notre vieux pays ?

Si oui, nous en réjouirons sans réserve.

Comment pourrions-nous définir le renouveau, sous l’angle des addictions et de la problématique alcoolique ? 

La première grande révolution serait que les administrés que nous sommes soient entendus et compris par les nombreuses administrations qui vivent de notre travail. Depuis le commencement, nous nous sommes habituellement heurtés à la froide et parfois cynique indifférence des Pouvoirs publics, sourds et aveugles aux innovations que nous proposions dans l’accompagnement des personnes en difficulté avec l’alcool. Nous allons rencontrer chacun d’elles une nouvelle fois, la dernière, et cette fois, il faudrait bien qu’elles sortent de leur torpeur. Nous ne pouvons être seuls à essayer de faire vivre l’intérêt général dans notre terrain de jeu. La politique est une articulation vivante et dialectique entre le mouvement d’en haut – les instances dirigeantes − et le mouvement d’en bas – l’action intelligente et obscure du ‘‘terrain’’, de ceux qui ‘‘font’’. 

La seconde révolution serait que nous négligions le confort de la pensée paresseuse dans le champ des addictions, que nous abandonnions une vision formatée et inopérante de la prévention et du soin. La prévention en affiches et en mesures coercitives est le symptôme de l’incurie. Les beuveries juvéniles de fin de semaine, les alcoolisations solitaires de fin de journée, le commerce des drogues festives, les addictions sans drogue, du numérique à la nourriture, en passant les achats compulsifs et les jeux, la compétition truquée, sont des marqueurs d’une Société qui se laisse détruire par la fièvre consumériste, la quête de pouvoir et de jouissance au détriment du plaisir épicurien : le plaisir de la responsabilité, la responsabilité de ses plaisirs. La meilleure prévention consiste à remettre la culture, l’esprit critique, la philosophie, le désir de liberté et l’amitié au pouvoir. Quant au soin, le simple bon sens aboutit à la conclusion que l’offre actuelle est à côté de la plaque. Selon une formule, à peine exagérée – la nuance passe inaperçue : aujourd’hui, tout ce qui fait soin en psy-alcoologie n’est pas payé, tout ce qui est peu utile, inutile ou même contreproductif fait l’objet de la protection sociale. Ne pas offrir des praticiens de proximité et des équipes rompues à la relation clinique, ne pas répondre à la recherche d’effets par une quête aboutie de sens, proposer des séjours longs dans des ambiances psychiatriques, sans accompagnement personnalisé de proximité, après le sevrage, relève du contresens absolu. Et pourtant, tel les Shadocks, les gouvernements successifs continuent, impavides, cette politique de gestion à la marge. Mais il y ce vent de renouveau et nous savons que toute crise grave est porteuse d’opportunités. 

Nous n’opposons pas les anciens et les nouveaux, à moins de considérer que les derniers n’ont pas encore eu le temps de devenir vieux, quand ils ne le sont pas déjà, et que certains anciens n’ont jamais été jeunes. Au sein de l’association, nous aimons les personnes d’expérience, de préférence discrètes et constantes, et nous espérons l’arrivée des jeunes avec leur enthousiasme, leur expérience naissante, leur adéquation distanciée aux temps actuels, dominés par le numérique plus encore que par les substances psychoactives. Ce sera le dernier point de cet éditorial, la dernière révolution, l’espoir d’un mélange des générations dans le sens d’une remise en cause du laisser-faire et du laisser-aller, une sortie de crise par le haut.