La problématique alcoolique concerne la vie entière. L’offre de soin est adaptée à chaque personne, en ajustant l’offre aux besoins, sous réserve d’un accord entre le consultant et le soignant. Compte tenu de la grande hétérogénéité des situations, la ou les premières rencontres ont un rôle déterminant pour décider d’un projet thérapeutique et l’organiser.

Les premières rencontres

La première rencontre peut déboucher sur un simple avis, accompagné de suggestions concrètes pour aider le consultant à mieux connaitre sa problématique et la nature exacte de ce qui peut lui être proposé.

L’AREA met à disposition, dans ce but, des fiches d’information, la visite du site internet, un compte rendu de réunion ou des fiches cinéma et propose éventuellement un ouvrage. Le consultant peut assister à une réunion. Il se familiarise ainsi avec le soignant et sa méthode de travail.

Peuvent être dispensées d’adhésion conditionnelle, les personnes suivies dans le cadre de l’obligation légale de soin. Les attestations de présence mentionneront l’existence d’un accompagnement effectif, à partir du moment où le sujet adhère à l’AREA et participe à ses activités.

Un traitement peut être prescrit dans le but de supprimer les signes physiques de la dépendance alcoolique, de réduire la consommation et le phénomène de compulsion.

La consultation suivante est décisive pour définir les modalités du projet thérapeutique (avec ou sans réunions de groupe, avec ou sans psychothérapies individuelles complémentaires…). L’adhésion à l’AREA marque, dès ce moment-là, l’adhésion au projet thérapeutique.

L’entretien d’histoire

L’entretien d’histoire est la première étape de l’accompagnement. L’entretien ayant abouti à une transcription et à une synthèse, il est possible d’aller plus loin. Soignant et patient disposent d’une mémoire partagée qu’il sera possible d’étoffer et d’actualiser, ensuite.

Les types de sevrage

 La dépendance alcoolique comporte trois volets : neurobiologique, psycho-comportemental,  psychosocial. C’est du premier qu’il s’agit, ici.

Le sevrage est, en pratique, une étape nécessaire, pour soigner un sujet dépendant.

La baisse du taux d’alcool dans le sang, avec le phénomène acquis de la dépendance neurobiologique,  se manifeste par des signes physiques : des sueurs, des tremblements des mains, de l’anxiété, parfois même des complications psychiques ou neurologiques. Il faut en moyenne 18 heures pour que le taux d’alcool dans le sang (alcoolémie) revienne à zéro. Quand le corps est habitué à l’alcool, il en réclame dès que l’alcoolémie tend vers zéro.

Le sevrage comporte souvent un temps préliminaire au cours duquel la consommation d’alcool est réduite. Les alcools forts sont écartés en premier.

L’AREA n’assure pas de sevrage en dehors de la perspective d’un projet d’accompagnement. Le sevrage pour le sevrage ne nous concerne pas.

→ Pendant 25 ans, nous avons pratiqué des hospitalisations brèves qui incluaient le sevrage physique (Voir notre ouvrage référence : L’Hospitalisation brève en alcoologie, érès, 2012). La  nécessité de regrouper les activités et l’insuffisance des moyens accordés par les Pouvoirs publics nous ont contraints à mettre un terme à un surinvestissement qui, par ailleurs, ne s’accorde pas avec l’air du temps.

Le sevrage peut être obtenu en ambulatoire (SAP), c'est-à-dire en dehors d’un lieu de soin, ou sécurisé par une hospitalisation (SSP) n’excédant pas cinq jours ouvrables  Dans tous les cas, il est expressément recommandé, d’une part, de réduire progressivement le volume d’alcool ingéré au quotidien, tout en veillant à bien s’hydrater, d’autre part, de prendre des médicaments adéquats qui seront prescrits, pour éviter tout accident grave susceptible d’être déterminé par l’arrêt brutal d’une alcoolisation forte. D’où la nécessité absolue de signaler son problème d’alcool avant une intervention chirurgicale…

Le sevrage ambulatoire protégé (SAP)

Le Sevrage Ambulatoire Protégé (SAP) ne requiert pas d’hospitalisation. Il associe quatre éléments :

−   Un lieu neutre, distinct des lieux d’alcoolisations. Il est habituellement possible de changer de cadre le temps d’un week-end, en famille ou dans un cercle amical fiable.

−   La prescription médicamenteuse prend la mesure de la composante physique de la dépendance, alors même qu’un médicament freinant la compulsion a été d’emblée institué.

−   Le patient est fortement incité à prendre connaissance des documents qui lui ont été remis, à ‘‘entrer dans le bain’’. Il est incité, pour le même motif, à prendre la peine de découvrir les différents groupes de parole en jeu chaque semaine.

−   Pendant cette période, le patient peut contacter par téléphone ou mail un des membres de l’équipe soignante, en cas de besoin.

En termes de journées d’immobilisation, il n’est pas possible de mieux faire !

Le sevrage simple protégé (SSP)

Le SSP est utile dans deux cas :

−  quand la personne ne peut espérer trouver les conditions de tranquillité et de soutien justifiées par le sevrage physique et une réflexion tant soit peu posée,

−  quand elle a besoin conjointement d’une évaluation somatique.

Pendant le séjour, elle peut bénéficier, outre la présence du praticien résident et de l’équipe infirmière, d’un contact avec la psychologue de la clinique. Le patient reçoit des visites d’aidants de l’AREA, identifiés lors de sa première participation à un des groupes de parole. Les aidants permettent des temps de dialogue centrés sur la relation à l’alcool, l’abstention d’alcool et la gestion du retour au domicile.

C’est le docteur Laurence Lavigne , gastro-entérologue, également formée aux thérapies brèves, qui désormais encadre le sevrage à la nouvelle Clinique Rive Gauche (anciennement Sarrus-Teinturiers).

Tout patient candidat à un SPP doit obtenir un rendez-vous préalable avec elle afin de définir les modalités concrètes de l’hospitalisation.

En accord avec l’intéressé(e), elle décide des investigations utiles. Elle partage le dossier clinique établi par l’alcoologue. Elle prévient l’AREA de la présence d’hospitalisés afin de permettre les visites.

La semaine d’hospitalisation va du lundi 8 heures au vendredi midi. Elle permet une évaluation somatique ciblée. L’hospitalisé reçoit la visite d’aidants de l’AREA. Il peut mettre à profit le séjour pour progresser dans la découverte de la littérature qui lui aura été remise. Le docteur Lavigne rédige une lettre de sortie avec le résultat des prises de contact et des explorations réalisées.

Le séjour est suivi d’une consultation par l’alcoologue au sein du C3A. Dés le lundi, le patient pourra suivre les activités collectives proposées par l’AREA.

 

Les rôles du Disulfirame (Espéral*) et du Baclofène

Nous utilisons principalement deux molécules pour l’aide au sevrage alcoolique : le disulfirame et le baclofène.

L’usage du Disulfirame n’a pas toujours été intelligent. Il a été longtemps employé dans des « cures de dégoût » qui visaient à déconditionner le sujet en le rendant malade par l’absorption successive du médicament puis de son alcool préféré. Il s’est même fait des implants sous la peau de comprimés d’Espéral.

Un médicament visant à réduire le phénomène de compulsion − (le craving) – peut être associé à la prise de Disulfirame. Le Baclofène est, pour l’instant, devenu le médicament de référence. Il est parfois très utile, d’autrefois embarrassant par le nombre de comprimés requis et l’existence de phénomènes indésirables, dont la somnolence, qui complique les déplacements automobiles. Le Baclofène peut être prescrit dans la phase préliminaire pour réduire la consommation. Plusieurs semaines sont nécessaires pour atteindre ce résultat. Passée la période initiale, son usage peut être prolongé puis progressivement réduit et supprimé chez les bons répondeurs.

Le disulfirame (l’Espéral) peut être prescrit, d’abord à ½ comprimé par jour, après avoir obtenu 24 heures sans alcool dans le cadre des sevrages. Le mélange avec l’alcool suscite des effets indésirables : rougeur du visage, maux de tête, nausées, vomissements parfois. En l’absence d’alcool, il ne se produit rien de la sorte. Si le patient veut tester l’efficacité du produit sur lui, nous lui recommandons de s’en tenir à un fond de verre de vin. Certains patients auront besoin d’1 ou même de 2 comprimés pour obtenir des effets dissuasifs.

La susceptibilité à ce produit est très variable. Elle connaît des variations selon l’individu et les quantités d’alcool ingérées.

→ Ce médicament est à proscrire chez les patients qui absorbent vite des alcools forts, quand le craving est très présent, ou en cas de composante psychiatrique.

Après le temps nécessaire à la désalcoolisation, le patient dépendant s’impose la discipline de prendre systématiquement ce comprimé de protection, chaque matin, sans exception. Le fait de le prendre agit de façon dissuasive rationnelle mais aussi via le subconscient. Sa prise régulière et prolongée aide à neutraliser le conditionnement à boire, tout en améliorant spectaculairement l’état de santé du sujet.

Le disulfirame n’est pas un médicament à vie. Il respecte la liberté de chaque patient. S’il veut de nouveau ou ponctuellement consommer de l’alcool, il suffit qu’il « oublie » de prendre ce comprimé pendant ce laps de temps, avec la difficulté de s’imposer ensuite un nouveau sevrage…

Nous adoptons l’étape médicamenteuse par nécessité dans le but de nous intéresser à la personne devenue dépendante de l’alcool.

 

Un accompagnement modulé

Le suivi prend tout son sens, après le sevrage. Il est alors plus aisé de s’attaquer aux deux autres volets de la dépendance : le volet psycho-comportemental et le volet psychosocial. 

Cette entreprise va demander du temps et un accompagnement adapté.