Réalisation : Anthony Asquith

Leslie Howard

Scénario :  George Bernard Shaw Cecil Arthur Lewis

Date : 1938            GB

Durée : 96 mn

Acteurs principaux : 

Leslie Howard : Pr Henry Higgins

Wendy Hiller : Eliza Doolittle

Scott Sunderland : Pickering

Jean Cadell : Mme Pearce

David Tree : Freddy

Marie Lohr : Mme Higgins, mère

Doolittlz

Mots clés : effet pygmalion – narcissisme – ambivalence – apparence - langage 

pygmalion

 

Pygmalion est un sculpteur de Chypre qui tomba éperdument amoureux de sa création, la statue d’une femme imaginaire. Aphrodite, déesse de l’amour, fut touchée par sa souffrance. Elle changea la statue d’ivoire en jeune femme vivante, Galathée. Bernard Shaw, l’Irlandais, en fit une pièce de théâtre en 1912, peu avant le premier conflit mondial. En 1964, George Cukor reprit la trame de la pièce pour en faire une comédie musicale, My fair Lady, qui consacra un peu plus Audrey Hepburn. En 1938, à la veille de la seconde guerre mondiale, Anthony Asquith, fils du premier ministre qui engagea le Royaume-Uni dans cette guerre, et le très britannique Noël Coward, en professeur Higgins, transposèrent au cinéma la pièce de Shaw pour la première fois.

Noël Coward campe un professeur Higgins plus jeune que Rex Harrison de la version de Cukor, tout aussi misogyne et plus déconcerté encore par l’attachement que suscite en lui la « créature », cette fleuriste à l’abominable accent cockney. Il ne l’a même pas vraiment regardé avant d’accepter le défi que lui donne l’autre spécialiste en langues qu’est le colonel Pickering. La maltraitance qu’il inflige à Eliza n’est pas sans évoquer le syndrome de Stockholm pour caractériser l’attachement de la jeune femme pour son professeur. Eliza a grandi dans un milieu maltraitant. Elle est dans une forme de répétition. Avec Higgins, elle a au moins l’impression d’être considérée.

Dans une scène de présentation à sa mère et à quelques amis dont un pasteur, Higgins a tout loisir de vérifier que l’intonation ne fait pas tout. L’usage de l’argot pour raconter les circonstances de la mort d’une tante d’Eliza, officiellement d’une épidémie virale (déjà !) séduit certes le jeune aristocrate Freddy. Eliza lui préfèrera son maltraitant. La mère d’Higgins fait preuve de clairvoyance pour apprécier la jeune femme, en dépit de son appartenance sociale. Elle comprend que l’effet pygmalion est en train d’opérer chez son fils. Higgins est le dernier à prendre conscience qu’il ne peut plus se passer de la présence d’Eliza à ses côtés. L’histoire s’achève par une pirouette : Eliza choisit de rester, consciente de son attachement, Higgins masque sa dépendance affective en manifestant une attitude dérisoire de goujat.

Un mode d’attachement insécure

Higgins comme Eliza souffrent tous deux d’un attachement insécure. Leur lien d’attachement évolue dans un climat conflictuel. L’autre, l’équivalentparent ou le parent, n’apaise pas. Il ne tranquillise pas. Madame Higgins ne prend pas les compétences de son fils au sérieux. C’est là, peut-être, dans la relation mère-fils, que prennent leur source la misogynie et la pathologie narcissique d’Higgins. Doolittle préfère la bouteille à sa fille. Il aura l’infortune d’être remarqué par un Américain, soucieux de favoriser la promotion sociale. Recevant, de ce fait, une rente inespérée, il devra faire une fin en épousant sa compagne.

La relation Higgins - Eliza n’est pas égalitaire. Elle prend l’allure d’un marché : « Je t’apprends à parler élégamment ta langue au point d’abuser le beau monde et, par ce fait, je gagne le pari qui consacre mon talent de professeur ». Du côté d’Eliza : « Je gagne en autonomie, je peux mieux trouver ma place, avec le handicap de l’expression en moins », « Je peux faire illusion dans une soirée d’aristocrates mais je n’en suis pas. »

Le but d’un soignant est de ne servir à rien, après avoir servi à quelque chose, à un ou plusieurs moments. De même, le groupe de parole et l’association ont pour fonction de servir à quelque chose – se détacher de l’alcool et élaborer une réflexion critique, source d’autonomie – pendant un temps qu’il appartient à l’intéressé de considérer. 

Le patient ou la patiente n’est pas un équivalent d’Eliza Doolittle et il est indispensable que le soignant ou que l’aidant soit plus solide et distancié que le professeur Higgins, indépendamment de ce qu’ils peuvent apporter à la relation d’accompagnement.