Réalisation :   Bertrand Blier

Scénario :   Bertrand Blier

Date : 2010

Durée :  87 mn

Acteurs principaux :  

Jean Dujardin : Charles Faulque

Albert Dupontel : le cancer de Charles  

Anne Alvaro : Louisa  

Myriam Boyer : le cancer de Louisa  

Émile Berling : Stanislas Faulque  

A / SA  

Mots clés : cancer – alcoolisme – acceptation – détresse - ambivalence

lebruitdesglacons

L’intrigue est belle comme une tragédie grecque, avec un rire grinçant en plus. Un écrivain, Charles Faulque boit toute la journée du vin blanc. Il maintient le précieux liquide au frais dans un seau à glaçon qui ne le quitte pas. Il n’écrit plus une seule ligne car tout son temps est occupé à boire son vin blanc frais. Sa femme l’a quitté 4 ou 5 ans plus tôt et, donc, il noie sa détresse dans sa vaste villa méditerranéenne aux escaliers cassegueule. Il boit parce que sa femme est partie avec leur petit garçon parce qu’elle en avait plus que marre d’avoir un époux dans un état second toute la journée. Voilà qu’un beau matin, il reçoit la visite de son cancer, charmant Dupontel, avec ses cheveux bouclés. Pour Charles, ce ne sera pas un cancer du foie – il n’y a pas de justice ! – c’est le cerveau qui accueillera le cancer. Et voilà que Louisa, la domestique-gouvernante un peu défraichie, de Charles, cheville ouvrière de la maison, amoureuse transie de son maître, a, elle aussi, son cancer. Pour elle, qui n’a pas eu l’occasion d’allaiter, ce sera le sein. Son cancer est aussi enveloppé qu’elle est maigre. Il n’est pas aussi seyant que celui de Charles.

Louisa déclare son amour. Charles est ému, d’autant qu’il a bu et qu’il reçoit la visite de son fils qu’il aime par-dessus tout, comme les pères qui ne savent pas aimer. 

Quelle galère ! Comment imaginer un happy-end, avec ces deux cancers omniprésents, si consciencieux ? Grâce au vin blanc et à un stratagème de Charles… Mais il ne faut pas en dire plus. Ce Charles, c’est quelqu’un, même si, modestement, il dit à son cancer qu’il a eu son Goncourt comme à une tombola. 

Non, sans blague, une fable qui dépote !

Voici un excellent film pour HBA. Les messages sont nombreux et nous aurons soin de ne pas les détailler.

Sans doute, la critique hypermoderne est-elle possible. Bertrand Blier, de façon sournoise, fait l’éloge du blanc. Il ne respecte pas les quotas de couleur de peau. Il se déconsidère en ne faisant pas la moindre référence aux autres drogues du marché. Charles ne prend même pas de cocaïne. Pas le moindre joint. Pas de champignon hallucinogène. Charles est un blanc qui boit du blanc. Luisa prie la Croix pour que Charles s’aperçoive qu’elle existe. Pourtant, elle n’a pas la photo dédicacée de François au dessus de la commode. C’est une vraie croyante. Elle s’interdirait de tutoyer Sa Sainteté à la bonne franquette.

Avoir un père qui picole n’empêche pas les sentiments du fils ; au contraire. 

Parole forte de Louisa à la jeune et belle slave que Charles a ramené dans sa villa, grâce à son baratin et à son pognon : « N’accepte jamais de cadeaux des hommes. »

Le médecin est fidèle à sa vocation : il ne sert à rien. Comment s’opposer à la pulsion de mort, à la liberté de vivre une dépendance à l’alcool ? Il s’en tient à un constat débonnaire : « Vous buvez trop ». Il conseille à la jeune slave de prendre soin d’elle, de laisser Charles à ses glaçons.

Souvenir d’enfance. Lors de ma premère matinée de Maternelle, une institutrice en habit noir, aux yeux noirs et tragiques, à la mine sévère, avait demandé aux élèves en couche-culotte s’ils connaissaient une chanson. J’avais entonné une chanson entendue à la radio : « Ah, le petite vin blanc qu’on boit sous les tonnelles, quand les filles sont belles ». J’avais aggravé mon cas, en embrassant les joues roses de plusieurs petites filles de la classe, à la récréation, face à une reproduction grandeur nature de la grotte de Lourdes. C’est ainsi que j’ai infligé une première honte à ma mère. Si jeune et déjà dépravé !

Une réserve. La réussite au Goncourt de Charles et son niveau de confort, alors qu’il ne fout rien en dehors de picoler, pourrait susciter des vocations d’écrivain. Trop d’auteurs, moins de papier à imprimer, moins de chance de voir publier «Anesthésie générale » par un bon éditeur ! 

Au fait, où ai-je posé ma bouteille ?