Réalisation : Sidney Lumet

Date : 1982 / USA

Durée : 129 mn

Acteurs principaux : Paul Newman (Frank Galvin), Charlotte Rampling (Laura Fisher), Jack Warden (Michael Morrisset), James Mason (Ed Concannon), Milo O’Shea (juge Hoyle)

 AA/ SA

 Mots-clés : Dilemme moral et éthique, corruption, confiance en soi, intégrité, rédemption

 

 

L’histoire

Frank Galvin est un avocat qui a sombré dans l’alcoolisme lorsqu’il s’est confronté à la rigidité et à l’injustice du système juridique. Il a perdu son sens moral et son sens de la justice, il est prêt à faire n’importe quoi pour gagner de l’argent, quitte à agir de façon immorale. Il en vient à essayer de manipuler des personnes endeuillées pour se faire de l’argent sur leur souffrance, sans se soucier de ce que ressentent ces personnes.

Lorsque son ami Michael lui propose une affaire, pour défendre une jeune femme dont la sœur a été victime d’une erreur médicale qui l’a plongée dans le coma, Frank tente de nouveau d’en tirer un maximum de profit personnel. Seulement, il est bouleversé en voyant la femme dans un état comateux, et décide d’agir non plus par appât du gain mais pour la justice. Ce combat moral va inciter Frank à sortir de sa dépendance alcoolique, à regagner sa dignité, et à agir plus respectueusement vis-à-vis d’autrui.

Intérêt en alcoologie

Au début du film, Frank apparaît comme un opportuniste, intéressé uniquement par l’alcool et l’argent. Il n’a pas de perspectives d’avenir, il présente des signes physiologiques de mal-être. Cette détérioration physique renvoie à la détérioration morale du protagoniste. Même s’il bénéficie de la présence d’un ami bienveillant, Michael, cet ami renonce presque à l’aider en constatant la dégradation de la vie de Frank. Auparavant, Frank était un idéaliste, peut-être un peu naïf. Il souhaitait défendre de belles valeurs humaines mais il s’est heurté aux inégalités sociales, à la cupidité et à la partialité du système judiciaire qu’il idéalisait, et cela l’a brisé.

En se voyant confier une affaire délicate, Frank est confronté à un dilemme moral et éthique. Dans un premier temps, il entend gagner le plus d’argent possible sans aller jusqu’au procès. Par ailleurs, l’archevêque, dont dépend l’hôpital concerné par le procès, se renseigne sur le passé du protagoniste et conçoit immédiatement des préjugés sur cet homme. Nous pouvons établir une analogie avec les représentations négatives accablant les personnes alcooliques, qui sont sous-estimées et dénigrées au regard de leur condition d’alcoolique. L’archevêque croit qu’il sera facile de manipuler Frank. Il est donc étonné de voir qu’il refuse les compromis suggérés.

Le juge Hoyle pense qu’un arrangement financier entre les deux partis relève du bon sens. Il manifeste peut-être de la paresse car il n’a pas envie que l’affaire soit portée devant le tribunal. Les adversaires sont plus nombreux et plus forts que Frank, qui semble se battre seul contre les institutions représentées. Les luttes de pouvoir de cette histoire se rapportent essentiellement à la peur de ternir la réputation et le statut social de personnalités prestigieuses (les médecins, les avocats, l’ordre religieux). Les médecins accusés n’ont pas été incompétents mais négligents. Leurs tentatives acharnées pour se disculper témoignent de leur arrogance, de leur impression d’être supérieurs au commun des mortels, puisqu’ils ne reconnaissent pas que l’erreur est humaine.

L’implication de Frank dans cette affaire opère un changement progressif en lui. En refusant le chèque du parti adverse, il pense pouvoir gagner plus d’argent en menant l’affaire au tribunal, mais ses intérêts ne sont plus seulement mercantiles puisqu’il commence à souhaiter intimement que justice soit faite. Le protagoniste a une prise de conscience morale en contemplant les photos qu’il prend de la femme dans le coma. A travers ces photos, il observe une représentation de la réalité, ce qui l’horrifie.

Plus tard, Frank fait part de ses convictions à Laura, sa petite amie. Il pense que « les faibles ont besoin qu’on se batte pour eux ». Cette opinion exprime un jugement de valeur, qui est justifié dans le contexte du film étant donné que sa cliente est dans l’incapacité totale de communiquer. Frank décide d’assumer ses responsabilités et de se faire le porte-parole d’une victime du système. Cette affaire lui octroie une seconde chance, il choisit de résister à la corruption et de défendre la dignité humaine plutôt que de renoncer à son intégrité.

Frank semble se battre contre lui-même tout au long du film, il est impulsif, il prend des décisions sans réfléchir. Peu à peu, il prend des risques et retrouve sa détermination afin d’agir pour la justice. Alors qu’avant il était égoïste et centré uniquement sur ses propres besoins, cette affaire se transforme en combat personnel qui l’aide à sortir de sa dépendance alcoolique.

Toutefois, Frank commet encore quelques erreurs. Par exemple, il ne consulte pas ses clients avant de prendre une décision importante les concernant, il se montre intègre au détriment de la sœur de sa cliente qui cherchait avant tout la reconnaissance de ce qu’il s’est passé. La veille du procès, il manifeste une attitude défaitiste, il est dans le renoncement au vu des nombreux obstacles et des pressions externes qui l’assaillent. L’euphorie du début se teinte de doutes, ce qui ébranle momentanément sa détermination. Frank éprouve un besoin désespéré de réussir, cette affaire est la seule chose capable de redonner du sens à sa vie. S’il ne persévère pas, s’il ne se bat pas pour s’en sortir, il sera perdu.

Lors du monologue final de Frank, ce dernier cherche à convaincre les jurés qu’ils doivent appliquer la justice pour réparer les torts faits à sa cliente. Il reconnaît en chaque membre du jury un être humain qui désire faire ce qui est juste, tout comme lui. Il fait appel à leur sens de l’humanité et leur sens de la justice. Il les exhorte à devenir eux-mêmes des instruments de la justice en se fiant à leur raisonnement et leur intuition. Il s’exprime avec sincérité et sensibilité. Il ne parle plus seulement de l’affaire, mais de son vécu personnel. Si les jurés s’étaient pliés aux règles, ils auraient écouté le juge qui leur enjoint de ne pas tenir compte du dernier témoignage, pourtant crucial. Mais le discours de Frank les a touchés, ils ont senti qu’il y avait une injustice et ils ont choisi de donner raison à Frank.

Frank présente un parcours de vie difficile, similaire à celui de nombreuses personnes alcooliques. Il a réalisé qu’il commençait à sombrer, puis il a un déclic qui le pousse à sortir de sa dépendance alcoolique afin de recouvrer ses valeurs humaines, son respect de soi, et le sens de ses responsabilités. L’affaire qu’il défend lui permet de redonner du sens à son existence, cela lui donne des raisons de vivre et d’agir justement. Alors que dans de nombreux films, la rédemption d’un personnage s’effectue grâce à une relation romantique ou la force des liens familiaux, ce n’est pas le cas dans ce film. Au début, le spectateur croit que le personnage de Laura jouera un rôle majeur dans le changement du protagoniste, mais c’est une fausse piste. Ce n’est pas une relation amoureuse épanouie qui permettra à Frank de s’en sortir, d’autant plus que la trahison de Laura (qui était engagée par les adversaires de Frank pour l’espionner) le blesse profondément. Frank devient un homme meilleur en se réappropriant son sens de l’intégrité, ses valeurs morales et sa confiance en soi. Les étayages externes, que ce soit l’alcool ou une personne aimée (comme Laura), ne sont pas suffisants. Frank doit être capable de se reposer sur ses ressources internes, sur ses propres compétences et qualités, pour espérer mener une vie plus satisfaisante.