Réalisation : Peter Farrely

Date : 2019 / USA

Durée : 130mn

Acteurs principaux :

Mahershala Ali (Don Shirley) ;

Viggo Mortensen (Toni Lip Vallelonga) ;

Linda Cadinelli (Dolorès Vallelonga)

SA

Mots clés : Apartheid – Tolérance –   Identité – Solitude- Amitié

 

 

 « Green book » a été, pendant plusieurs années, une sorte de Guide du routard à l’intention des noirs des USA pour les aider à voyager dans leur pays. Un certain Green avait eu l’idée de signaler les hôtels et les restaurants qui leur feraient bon accueil, en dépit de leur couleur de peau. L’apartheid a sévi jusqu’au début des années 60 dans les Etats du Sud.

Un pianiste célèbre, afro-américain, décide d’effectuer une tournée de concerts, accompagné de deux musiciens blancs. Pour garantir sa sécurité et de bonnes conditions matérielles à ses déplacements, il embauche un videur de boite de nuit d’origine italienne, Tony. Cet italien de Bronx, est marié à Dolorès, une femme plus fine que lui. Il a deux garçons. Il ne roule pas sur les dollars qui s’exhibent à tout propos. Il est plutôt grossier, inculte, avec les préjugés propres à son groupe social. Une originale road movie va faire évoluer leur relation…

Solitude et amitié

Au-delà du scénario gentillet, pouvant plaire à tous les publics, ce film témoigne d’une réalité qui a changé de forme, avec des cibles qui ont évolué. En même temps, la dynamique de l’histoire n’est pas sans évoquer les films de Franck Capra. Les situations et les répliques autorisent le sourire plus que la colère.

Qu’en penser du point de vue de la problématique alcoolique ?  Sans aucun doute, la cause des noirs et des homosexuels a davantage progressé que les représentations des populations touchées par l’alcool.

Officiellement, les alcooliques ne font pas l’objet d’apartheid. On peut cependant remarquer le même niveau de méconnaissances et préjugés que ceux qui discriminaient ou rejetaient des personnes telles que le talentueux pianiste de cette histoire véridique.

Lors des moments festifs, il est exceptionnel de rencontrer une véritable convivialité plurielle. Les non-consommateurs d’alcool ont parfois encore le choix entre une boisson sucrée médiocre ou l’eau claire des toilettes s’ils ne veulent pas du délicieux punch-maison. La seule prévention envisagée est d’augmenter les taxes sur les alcools, sans établir de différence entre les 8,6, les alcools forts et les vins régionaux. Quant au soin, il n’est pas intégré en tant que spécialité clinique, en médecine de ville. Il n’est pas dépourvu de condescendance, sur fond de préjugés. Il nie habituellement la valeur de symptôme des consommations pathologiques d’alcool, ne seraient-ce que leurs racines familiales et psychosociales. Les alcooliques ont le choix entre les centres d’addictologie ou les centres médicaux psychiatriques publics ou l’orientation vers des établissements psychiatriques où existe à leur intention une section spéciale. Le film montre les préjugés contrastés mais complémentaires des riches et des pauvres. Les premiers consomment le talent de ceux qu’ils méprisent, tout en dégustant un repas de gala. Les seconds ont au moins l’avantage de la générosité, quand ils sont mis en situation de rencontre.

Le film montre surtout l’extrême solitude d’un homme qui ne peut s’intégrer à un groupe. Il s’est écarté de la communauté noire par son ascension sociale. Il a été rejeté par son frère en raison de son basculement vers l’homosexualité. Il a perdu la tendresse attentive d’une mère acquise à l’expression des talents de son fils. Il retrouve sa dignité en fin de tournée en refusant de manger à part, dans un réduit destiné à ce qu’il se mette en habits. Il va exprimer sa verve et sa rage d’être humilié, dans une improvisation emballante avec le piano minable d’un restaurant-cabaret pour noirs, lui qui exigeait de jouer sur des Steinway. La présence décomplexée de Toni l’aide à trouver une parole sincère à mesure que le duo s’enfonce dans le Sud profond. Récompense ultime des retrouvailles avec ses affects, il reçoit une chaleureuse accolade de la femme de Toni, en fin d’histoire, quand il se décide à fêter Noël avec les Italiens du Bronx…

La force de la parole vraie, du respect de l’autre et de l’amitié comme antidotes à la solitude et à l’indépassable bêtise humaine.