Barbara Stiegler

Gallimard, Tracts, n°23 2020

3€90, 55 pages

 

La diffusion de la brochure intitulée « De la démocratie en pandémie », signée par Barbara Stiegler, nous donne l’occasion de découvrir la réflexion de ce professeure de philosophie politique d’origine bordelaise. Il n’est pas inutile de nous attarder quelques minutes sur ce document édité par Gallimard, dans le contexte de la pandémie. Son contenu change du matraquage médiatique ordinaire.

La survenue de maladies émergentes en conséquence des changements environnementaux ne pourra pas indéfiniment être noyée dans le discours médical. Pallier la dégradation des conditions de vie, de la Recherche et du tissu sanitaire par une politique de « répression des citoyens » ne sera pas indéfiniment accepté, quelle que soit la désinformation et les isolements dont nous sommes l’objet.

Pour faire court, nos « dirigeants nous disent que nous allons devoir changer toute nos habitudes de vie. Nous devrons adopter une nouvelle culture » inspirée par la Chine. Une nouvelle esthétique se dessine : « Un monde cyber-sécurisé où chaque individu est suspect, fiché, tracé, code- barrisé ». À l’ère du Big Data, un univers psychotique se met en place. La démocratie est devenue « un inconvénient ».

Le confinement détruit économiquement la vie de millions d’individus en même temps qu’il abîme leur santé physique et mentale. Le « monde d’après, c’est un monde désinfecté mais pollué, c’est le monde d’avant mais en pire. En plus hygiénique. En plus eugénique. C’est une humanité saine, silencieuse, censurée d’émotions, élevée dans la haine de la dissonance ».

Nos habitudes cèdent la place à « une infantilisation générale de tous les actes de la vie, publics et privés, au nom de la bienfaisance et de la bienveillance et en instaurant un régime d’exception ».

Le « libéralisme autoritaire » prend sa source dans les suites de la Grande Dépression de 1929. « Un Etat fort est chargé de fabriquer le consentement », à la suite des théories de Walter Lippmann dont s’inspira l’efficace Edwards Bernays pour ses conditionnements publicitaires.

« Toute critique des manipulations du savoir par le pouvoir » relevait du ‘‘complotisme’’. L’essentiel se situait dans « l’acceptabilité sociale des consignes ».

Un Français sur dix aurait « envisagé sérieusement le suicide ». Tout le monde n’a pas les moyens de s’extraire des contraintes imposées, surtout quand il est confronté à des difficultés inédites.

« Sous les habits du civisme, les foyers confinés étaient en réalité encouragés à se replier sur eux-mêmes, tout en poursuivant, via Internet, la course compétitive’… De sorte qu’on put se demander si ce virus ne réalisait pas finalement le rêve ultime des néo-libéraux : chacun, confiné seul chez soi devant son écran, participant à la numérisation intégrale, tandis que toute forme de vie sociale et d’agora démocratique était décrétée vecteur de contamination ».

« L’infantilisation régnait jusqu’à l’humiliation ».

Au passage, nous apprenons que notre sympathique Premier Ministre à l’accent du Sud-Ouest avait contribué à mettre en place la T2A c’est-à-dire la tarification à l’activité qui a fâcheusement modifié les conditions de la pratique des hôpitaux.

Il est question pour finir de « réinventer la mobilisation, la grève, en même temps que le forum et l’agora ».

Notre seul commentaire est de souligner que la partie n’est pas perdue et qu’elle doit être poursuivie. Nous avons à élaborer des alternatives et à les faire connaître en partant des réalités. Ce à quoi, nous nous employons depuis longtemps, mais plus précisément, ces derniers temps, en maintenant l’activité et en travaillant à une version meilleure d’« Anesthésie générale ».