Gérard Prunier

Gallimard, Tracts, n°30      2021

3€90, 43 pages

« Tracts » nous invite, à présent, à nous promener dans le monde, initiative qui apporte un élargissement bien venu de nos horizons confinés par la pandémie.

Marc Dugain, le préfacier, évoque la tragédie dans laquelle est plongé le continent africain, qui sera le plus peuplé de la planète, avec un PIB cumulé équivalent à celui de notre pays. Pour lui : « les puissances coloniales aveuglées de cupidité ont fait dérailler des civilisations qui avaient leur propre perspective, leur propre rythme. Notre découpage des frontières, au moment de la décolonisation, n’a répondu qu’à des considérations de maintien de nos intérêts. »

« Les médias qui aiment à compter les morts ne donnent pas aux morts africains le poids des nôtres ».

Dugain emploie deux mots du langage psy, celui d’hystérie, pour décrire nos gesticulations, celui de psychose, pour qualifier notre peur régressive, face à la pandémie, alors que la vaccination en Afrique reste un problème ni intéressant ni sérieux.

Comme le dit abruptement Fatou Diome (p15) : « La rengaine sur la colonisation et l’esclavage est devenue un fonds de commerce ». L’esclavagisme a caractérisé un mode de production répandu à peu près partout, depuis le matin des diverses civilisations. La Traite est une question historique. Ce n’est pas un « problème contemporain ».

Prunier rappelle que Détroit, « ex-capitale mondiale de l’automobile » est désormais une ville en friche. Il propose, au passage ; l’expression de « l’économie de l’inutilité » (p35). Si les populations noires ne polluent pas la planète, cela ne les empêche pas de « prendre en pleine figure les effets de notre pollution à nous ».

Il évoque le Rwanda et le Darfour, synonymes de massacres inter-ethniques, qui eurent les honneurs de la presse occidentale, pour s’arrêter au Congo ex-Belge, un « scandale géologique » tant ses ressources minières sont immenses. Les habitants y vivent avec moins de deux dollars par jour plus d’un demi-siècle après leur libération du joug colonial. Entre temps, deux guerres civiles séparées par trente-deux ans de dictature qui s’est achevée par une parodie de démocratie (p23).

En Afrique, comme ailleurs, l’Etat a le monopole de la violence organisée (p24). En Afrique, l’équivalent de l’Onu, l’Union africaine (UA), a été qualifiée de « syndicat de chefs d’Etats » par Julius Nyerere, ex-président de Tanzanie. C’était en 1978.

Ce mot de Warren Buffet, 3ème fortune mondiale : « Bien sûr que la lutte des classes existe et d’ailleurs nous l’avons gagnée » (p38).

« Le soleil reste allumé, et avec le changement climatique, il va rôtir de plus en plus le continent africain avec ses 2,5% de croissance démographique annuelle » (p40).

Au-delà de différents problèmes qui se sont accumulés, ce dernier élément risque à lui seul d’induire un mouvement de migration vers le nord et donc l’Europe, que rien dans les politiques menées ne semble en mesure de solutionner.

Serait-il possible d’envisager les relations avec les pays d’Afrique autrement que sous l’angle de la présence militaire ? Les religions ont le dos large. Au Darfour, ce sont des musulmans qui s’affrontaient entre eux.

Les richesses du sous-sol représentent une source de convoitise. Le Mali, au-delà des offensives des Touaregs ou d’Al Qaïda, est riche en gisement d’uranium… Nous y « avons des intérêts ».