17 mai 2021

La culpabilité et la responsabilité sont deux notions complémentaires qui méritent d’être examinées d’un point de vue clinique. Le discours dominant pratique une culpabilisation à géométrie variable. La culpabilisation a été instrumentalisée par les religions, les familles, les milieux éducatifs, la Justice dans le cadre de son exercice normatif et, présentement, par des groupes au sein de la Société civile. La responsabilité a été située dans le domaine du Droit. Elle assure la prospérité des Sociétés d’assurances. Elle est à l’origine du principe de précaution dont nous avons pu mesurer les effets depuis plus d’un an sur nos libertés.

En Droit, le sujet mentalement irresponsable est dispensé des peines associées à la faute ou au crime. Des décisions de justice ont pu avancer qu’un prévenu pouvait échapper à une sanction en avançant l’idée qu’une substance psychoactive délibérément absorbée pouvait avoir altéré son discernement. Nous remarquerons que ce n’est pas le cas pour la personne alcoolisée au volant ou sur le lieu de travail. Un débat récurrent concerne les sanctions. Les mises à l’écart doivent-elles correspondre à la prise en compte de la dangerosité, notamment sur le critère de récidive, ou doivent-elles s’inscrire dans la logique de la punition, force atténuée de la vengeance ou de la Loi du Talion ? Tout coupable peut-il être considéré comme un être en devenir accessible aux prises de conscience ?

A l’échelle individuelle, pour désagréable que soit le sentiment de culpabilité et, parfois, lourd le sens des responsabilités, ces affects ne sont pas sans avantages d’un point de vue préventif. Ils nous incitent à réfléchir à la portée de nos paroles et de nos actes.

Ils évitent deux pièges, ceux de la victimisation et de l’infantilisation. Si nous examinons nos propos et nos actes sous l’angle de la nocivité potentielle, donc sous l’angle de la responsabilité et de l’éthique, notre positionnement général s’en ressent. Il nous marginalise, de fait, car nous n’aboyons pas avec les loups, nous ne nous apitoyons pas sur nous, nous évitons de nous disculper ou de culpabiliser les autres à peu de frais. En revanche, nous ne laissons à personne d’autres le soin de nous juger ou de décider pour nous ce qu’il est bon ou non de faire.

L’addiction suscite, au départ, un sentiment de honte, plutôt qu’un vécu de culpabilité, comme si le regard extérieur importait plus que le regard intérieur.

Nous le savons : la culpabilisation et l’incitation à la responsabilité n’ont pas d’impact thérapeutique lors des premières rencontres. Pour autant, le phénomène addictif convoque l’esprit critique pour en saisir les significations.

La responsabilité est un grand mot. Elle est relativisée par nos ignorances, nos fragilités et les aléas de la vie. Il est à priori plus facile d’être responsables lorsque nous sommes « confortables » que lorsque nous sommes confrontés à des difficultés existentielles pesantes. Les situations ne manquent pas où nos énergies s’épuisent. Le discernement s’efface, les passions tristes l’emportent. Il serait paradoxal de demander aux autres d’être responsables alors que cette qualité nous ferait défaut. Il est, en revanche, légitime d’attendre des responsables désignés qu’ils se comportent comme tels.

Pour la personne alcoolique, comme pour tout un chacun, l’objectif est d’être « maître » de ses vies, c'est-à-dire, d’assumer du mieux possible son épanouissement mental et affectif, sa vie relationnelle, en dépit de toutes les difficultés rattachées à ce désir de liberté et de contrôle.

Quelles fonctions donnez-vous à ces deux notions dans votre vie ?