lundi 25 juin 2012

Après le CA de l’AREA du samedi 23, profitant d’une semaine sans stagiaires, je propose de réfléchir ensemble à deux orientations prises dans le cadre des hospitalisations et au-delà. Pour ce lundi, la réflexion est ouverte pour refondre le contenu du DAV (Dispositif audiovisuel). Un article récent1 publié dans la revue de la SFA plaide pour une prise en compte du septième art comme médiateur du soin. Sans le dire, il manifeste que la dimension créative, relationnelle et humaniste est indispensable au soin alcoologique alors que la volonté de réduire l’alcoologie à une science en sonne le glas.

Le DAV comporte quatre types de films :

  1. Des clips et des films à visée pédagogique (Clips présents sur le site de l’area31.fr au chapitre Livres abordant la définition de la problématique alcoolique, de l’alliance thérapeutique, de la dimension éclectique et intégrative du soin). Dans ce domaine, il est possible aussi d’être novateur.
  2. Des documents qui relèvent de l’éducation thérapeutique : les séquences cognitives et comportementales sur les situations à risque…
  3. Des films à visée plus ou moins identificatoires (FID) qui méritent réflexion.
  4. Les films hors-objet  (FHO) pour lesquels l’alcool a un rôle faible ou nul, permettant une élaboration pour l’après-alcool. Le film hors-objet (alcool) a pour fonction de rétablir d’autres relations d’objet que l’alcool, tout en stimulant la pensée associative et symboliques et en représentant une mémoire et un langage partagés.

L’objet de la réunion consiste à sélectionner 50 films les deux dernières catégories : les films identificatoires et les films hors-objet.

Concernant les films où il est question d’alcool et d’alcooliques, notre préférence va vers les films de bonne facture autorisant une vision décalée et critique des consommations à problèmes et des situations liées à l’abus d’alcool. Notre préoccupation est de privilégier l’humour et le rire chaque fois que c’est possible, sans négliger le souci des prises de conscience et du développement de l’esprit critique. Nous avons à éviter autant que faire se peut les mélodrames à la française ou à la sauce américaine, dégoulinant de compassion ou de complaisance, les films qui trainent des poncifs et des lieux communs, à moins précisément qu’ils servent à montrer en quoi ils piègent et figent les représentations de l’alcoolisme.

Les films hors-objet peuvent explorer des autres addictions, la psychopathologie souvent associée à la problématique alcoolique, des aspects cliniques éloignés en apparence mais assez stimulants par leur pouvoir de suggestion par l’analogie, les films apparaissant comme des moments de triomphe des diverses qualités requises pour une jouissance lucide du temps hors-alcool

Le souci d’accroître le gout pour le cinéma est également au coeur de nos préoccupations.

Ce travail est altruiste dans la mesure où ses retombées (article pour la SFA, thème d’intervention pour la prochaine journée d’alcoologie consacrée aux représentations de l’alcoologie) peuvent renforcer le contenu thérapeutique des temps institutionnels, particulièrement pour les structures accueillant des personnes alcooliques sur plusieurs semaines. Nous trouvons plus adapté à l’intelligence des patients désireux de prendre leur vie en mains le cinéma (tout comme la lecture, la photographie, la peinture, la poésie) que les ateliers de poterie, de collage ou de tissage sur soie nécessaires aux schizophrènes, même si ces activités expriment un langage sans parole. En effet, certains alcooliques sont de vrais artistes qui n’ont pas besoin d’un art-thérapie au rabais. S’ils ont une part psychotique, celle-ci peut s’exprimer en partie par une parole perturbant la pensée strictement opératoire.

Il est apparu raisonnable au CA de se limiter à 50 films car leur inclusion demande beaucoup de temps de travail (2h), avec un matériel de copie spécifique à acheter par l’association, pour des films à usage collectif et donc plus onéreux que ceux destinés à l’usage privé précisés par la loi. Notre choix de privilégier cette approche légale permet d’être au-dessus de toute critique pour les Droits de société de diffusion et d’auteur, tout en nous laissant la possibilité d’inclure quelques films soit anciens et à découvrir soit récents n’ayant pas encore donné à des versions pour les collectivités. De toute façon, les films qui composent le menu proposé peuvent être vus après le séjour. Ils sont présentés à cet effet dans le site. Quelques-uns sont vus par le petit nombre des hospitalisés, dans l’esprit de l’usage privé et familial (4 par semaine).  Il s’agit d’une prestation gratuite. Tout procédé de copie est empêché par le DAV.

Il est évident que la sélection opérée doit être évolutive de façon à accroître l’effet de mémoire, par la découverte de films inconnus, et qu’elle doit être ouverte à la création en cours, contemporaine de nos représentations et de nos mœurs les plus récents.

La sélection opérée est le reflet de la lecture de la problématique alcoolique et des conceptions du monde qui permettent de dépasser la condition addictive pour retrouver pleinement la condition humaine. En cela, la cinématèque participe pleinement au langage et au soubassement symbolique de l’équipe. Son pouvoir d’évocation et de suggestion laissent libre chaque sujet de prendre ce qui lui correspond. Elle peut devenir un aspect central de la relation thérapeutique.

Voici l’état de la présélection. FID = Film pour la problématique alcoolique et les conduites addictives, à visée identificatoire. FHO : film sans relation directe avec l’alcoolisme. Nous allons devoir prochainement passer à la commande.

S’en tenir à 50 films n’interdit pas de faire des fiches pour tous les films dignes d’intérêt à l’intention du site Internet.

FID : Films à visée identificatoire

Betty, de Claude Chabrol (1991) avec Marie Trintignant et Stéphane Audran

Un singe en hiver d’Henri Verneuil (1961), avec Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo

Leaving Las Vegas de Mike Figgis (1995) avec Nicolas Cage et Elisabeth Sue

Le dernier pour la route de Philippe Godeau (2009), d’après le roman d’Hervé Chabalier, avec François Cluzet

La femme de ma vie, de Régis Warnier (1986), avec Christophe Malavoy, Jane Birkin, Jean-Louis Trintignant.

L’enfer de l’alcool de Daniel Pétrie (1990) avec James Wood et James Garner (les AA)

Le poison de Billy Wilder (1945) avec Ray Milland et Jane Wyman

Au-dessous du volcan de John Huston (1984) avec Albert Finney et Jacqueline Bisset

Que le spectacle commence (All That jazz) de Bob Fosse avec Roy Sheider et Jessica Lange

Un crime au Paradis, de Jean-Becker (2000) avec Jacques Villeret, Josiane Balasko, André Dussolier

Le jour du vin et des roses de Blake Edwards (1962) avec Jack Lemmon et Lee Remick

Une fille de province de George Seaton (1984) avec Grave Kelly et Bing Crosby

Divins secrets de Callie Khouri (2002) avec Sandra Bullock, Ellen Burstyn

La merditude des choses de Félix van Groenigen (2009), d’après le roman de Dimitri Verhuist avec Joan Heldenbergh

Thank you for smoking de Jason Retiman (2005) avec Aaron Eckhart

Les émotifs anonymes de Jean-Pierre Améris (2010) avec Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré

L’homme au bras d’or d’Otto Preminger (1955) avec Franck Sinatra et Kim Novak

Shame de Steeve Mac Queen (2011) avec Michael Fassbender et Carey Mulligan

FHO : Films hors-objet

Ici survient la partie la plus difficile à construire du DAV, car il s’agit de mettre en ordre les différentes entrées permettant de sortir de la problématique addictive.

Pour maintenir ouverte la discussion, je ne ferai que mentionner des thématiques pouvant participer à la culture hors-alcool

-       La psychopathologie

-       Le retour du refoulé et le dépassement du traumatisme

-       Sortir de la répétition

-       Changer de trajectoire de vie

-       Intégrer des limites qui protègent et donne des bases au risque

-       La deshumanisation

-       Le manque de confiance en soi

-       La condition féminine

-       L’adolescence

-       La séduction, l’humour et l’amour

Faites votre cinéma ! 

  1. Cinémathérapie et alcoolo-dépendance de Laurent Brulin, Alcoologie et Addictologie, Juin 2012, p 143-146