Encore un thème « estuaire » qui va mobiliser nos pauvres cerveaux exténués.

Commençons par les formes car il est plus facile de les distinguer.

En premier lieu, le courage physique. Curieusement, son défaut peut se concentrer sur des détails, cependant paralysants et handicapants. La crainte des aiguilles (vaccin, prise de sang) en est un exemple banal. Si quelqu’un peut le rattacher à une source ancienne, il est le bienvenu. Comment vient-on à bout de ce genre de phobie ? Que traduit-elle ? D’autres auront la phobie des araignées, ou ils éviteront soigneusement l’avion ou les autoroutes. Le courage suppose la capacité d’affronter un danger ou une épreuve réelle. Le plus simple est de ne pas laisser courir son imagination à propos du risque ou de la douleur. Je ne suis pas certain qu’un raisonnement soit efficace pour débarrasser le sujet de son empêchement à affronter ce type de problème. Certaines situations émotionnelles sont de nature à ébranler le courage : un affrontement entre des manifestants et les forces de l’ordre, par exemple. Il est des professions où la confrontation avec l’horreur est consubstantielle : les militaires en opération, les pompiers sur des lieux d’accident, des soignants en temps ordinaire ou extraordinaire. Himmler, paraît-il, était un délicat qui ne supportait pas la vue des cadavres de ceux qu’il faisait gazer. Être en contrainte d’agir suffit à procurer une sorte d’anesthésie émotionnelle, au moins sur le moment. L’EMDR, comme dérivé de l’hypnose, est née de la confrontation avec des soldats US revenus du Vietnam, traumatisés par ce qu’ils avaient fait, vu ou subi. Le courage physique est aussi une affaire d’entrainement et d’affectivité. Le courage peut se concentrer sur la gâchette d’un revolver. Dans « La mandoline du capitaine Corelli », un officier allemand lié par une relation amicale au capitaine n’a pas le courage de l’achever, après une exécution collective de soldats italiens coupables d’avoir pactisé avec des Grecs résistants. Le courage physique peut se nourrir d’une agressivité foncière. Le non violent ne le met en en jeu qu’en cas de conflit.

Ceci nous amène au courage intellectuel. La base du courage intellectuel est de prendre le risque permanent de penser par soi-même, au risque de déplaire, de se trouver isolé et de subir diverses petites et grandes misères.

Le courage intellectuel conduit à observer un recul critique vis-à-vis des manifestations émotionnelles des « pour » ou des « contre », à se déterminer sans souci excessif de son image ni besoin démesuré de reconnaissance affective dont chacun a besoin. Ses sources principales sont l’éthique personnelle et ses capacités d’empathie.

Il est possible de rapprocher l’expression du courage et les profils de personnalité. De ce point de vue, la caractériologie d’un René Le Senne conserve son pouvoir discriminant. La personnalité donne sa couleur au courage. Ainsi un « colérique », un EAP, c’est-à-dire un émotif, actif, primaire pourra se risquer en s’appropriant « De l’audace, toujours de l’audace, encore de l’audace ». Un « flegmatique » (non émotif, actif, secondaire : NEAS) pourra se reconnaître dans le programme : du sang froid, de la réflexion, des décisions appropriées. Un « sanguin » (Non émotif, actif, primaire : NEAP) affrontera le danger, sans pour autant mettre son action au service d’un projet exigeant un long investissement. Un « passionné » (EAS) devra composer avec son impatience et les nécessités de la prudence, de la lucidité et de la réflexion. Le courage prend sa signification quand il est mis au service d’un objectif, ne serait-ce que de sauvegarde. Les non actifs, en définitive, ne sont pas courageux. Il est difficile de parler de courage en dehors d’un niveau d’activité opératoire. Le nerveux (E,NA,P) se risquera sans réfléchir, par défi ou pour en mettre plein la vue, Il sera aussi bien téméraire, adepte des conduites à risque. Un sentimental (E,NA,S) restera velléitaire. Il ne prendra pas les décisions qui s’imposent. Un amorphe (NE,NA,P) laissera courir et il en sera de même pour l’apathique (NE,NA,S).

Outre la personnalité, les sources du courage peuvent correspondre à des ressorts individuels, en reflétant un phénomène de résilience, après un traumatisme. Nous savons qu’il n’est pas facile d’avoir du courage après un burn out ou une dépression, après une perte affective. Les phénomènes d’imitation peuvent jouer entre générations. Le courage physique peut répondre à un instinct de survie. L’anxiété n’intervient pas dans l’expression du courage. Face au danger, un anxieux peut trouver des ressources insoupçonnées si le jeu en vaut la chandelle.

Face à l’alcool (ou à une conduite addictive), quand la consommation est devenue problématique ou qu’elle s’inscrit dans un phénomène de dépendance, le courage est de ne pas se mentir, de ne pas s’illusionner, de s’abstenir de réfléchir au moyen de solutionner ou de neutraliser ses problèmes et, ensuite, de résister aux sollicitations tant extérieures qu’intérieures pour savourer une vie plus libre et maîtrisée.

Vous sentez-vous courageux (ou pas) ? Quand et dans quelles circonstances ? Quel type de courage pensez-vous avoir ?(mf)