lundi 9 juillet 2012

L’idée du thème m’est venue d’un livre offert par George P : « Aliénation et accélération », une critique de la « modernité tardive » établie par Hartmut Rosa, un encore beau jeune homme né en 65, sociologue et spécialiste de politique, enseignant à l’université de Iéna. Au moins un sociologue qui connaît Marx.

C’est un thème très riche qui interroge bien au-delà des effets de la modernité  sur le rapport au temps. Il fait référence à l’économique, au virtuel, à la vie urbaine.

Nous en avons parlé avec les stagiaires, ce jeudi, à midi, à table, pendant les repas, puisque j'étais passé chez mon boulanger préféré avant pour le repas spécial stagiaire : un sandwich jambon-beurre, le gâteau-lunette de mon enfance, saupoudré de blanc, avec ses deux yeux pleins de confiture de groseilles.

Michel a eu le sentiment que le temps se distendait en cette semaine de stage. Jean-Marie a la sensation de remonter le temps : à mesure que les jours passent, son visage rajeunit. J’ai raconté l’anecdote du monsieur qui s’était arrêté de boire, face à sa gueule du matin dans la glace, en se promettant de boire « demain ». Laurence est davantage sensible au temps prisonnier, à l’amenuisement du temps. Au temps qui reste pour enfin vivre libre. Dol a pris du pouvoir sur le temps, en changeant assez tardivement d’orientation professionnelle et en s’interrogeant de façon plus méthodique et pratique sur le sens à donner à sa vie. Elle m’a questionné, ensuite, sur mon rapport au temps, la maline. J’aurais pu la renvoyer au livre des Clés mais j’avais fini mon sandwich et venais de lécher mes babines de la groseille.  J’ai énuméré quelques banalités :

  • suppression du temps volé par la TV, par les discussions ineptes, par les intrusions téléphoniques,
  • aptitude à densifier le temps mais aussi parfois à la distendre, par mes rêveries sur le vélo, dans la nature, avec des effets fâcheux sur la moyenne,
  • facilité à constituer des plans alternatifs et à combler les trous perpétrés par les autres en faisant autre chose que pester.

La perception du temps est subjective : Tout le monde connaît la blague qui donne l’impression de vivre longtemps : s’interdire tout plaisir pouvant compromettre la longévité.

Le groupe me fait gagner du temps : je peux entendre plusieurs personnes en un temps limité et parler à plusieurs au cours d’une même séance. En écrivant, je démultiplie le temps. Quand un musicien enregistre sa musique, quand un peintre permet à un tableau de susciter des émotions en chaine, il triomphe du temps.

Il faut accepter le temps nécessaire avant de murir la bonne décision.

Etre toujours soi-même est la meilleure façon de réduire le temps aliéné.

A vous, à présent, de parler du temps. Comme le lapin d’Alice dont je compte découvrir la statue à Llandudno, sur la côte nord du Pays de Galles, je n’ai plus de temps.