5 septembre 2022

Alors qu’un été brûlant s’achève et que la « rentrée » s’annonce, quelles sont vos perspectives et, à titre collectif, quelles sont nos perspectives ? Il est hasardeux de laisser le contexte définir nos choix de vie et il n’est pas possible de l’ignorer pour établir et ordonner nos priorités.

Pour celles et ceux qui n’ont pas réussi à prendre la mesure de l’addiction, la perspective de sortir d’un mode de vie circulaire, lourd de répétitions et d’ennuis, est logiquement à considérer en premier. Les addictions constituent des contraintes sur corps mais, au-delà, nos marges de liberté rencontrent des limites contraignantes.

Plus largement, la question devient : « Comment ma vie peut être ou devenir intéressante et plaisante ? Quelle prise ai-je sur ma vie ? »

Notre environnement, depuis le confinement, nous a habitués à subir et à nous adapter.

De quel environnement disposons-nous ? Avons-nous une influence quelconque pour le rendre plus compatible avec ce qui nous importe ? Sommes-nous condamnés à le subir et à vivre notre existence en marge ?

Chacun pourra faire le point pour ce qui le concerne.

Pour ce qui est des objectifs raisonnables rattachés à notre activité clinique, comment définir notre environnement et en déduire nos objectifs ? En théorie, l’alternative se situe entre pérennité, transmission et interruption. Nous n’avons pas été en situation d’assurer la pérennité. Il eut fallu pour cela et depuis longtemps qu’une volonté politique convergente et qu’un contexte d’ensemble compatible existent. Le choix se situe entre pérennité « dégradée », transmission et interruption, soit l’équivalent d’une fermeture d’usine. Nous avons essayé de privilégier le choix difficile de la transmission.

Nous avons, en effet, conscience que les éléments de contexte qui permettraient de donner sens à l’effort de transmission font défaut. La politique est remplacée pour l’ordinaire par la communication. Chacun des secteurs de l’activité participant à la santé mentale d’un pays est en crise : Education, Justice, Santé, lien social. Une chape règlementaire confortée par le numérique entrave nos faits et gestes. Les grands problèmes de société sont escamotés ou servent de prétexte à des affrontements stériles ou dérisoires. Les comportements les plus aberrants et les plus dangereux se sont multipliés sans rencontrer de résistance. Un individualisme à courte vue sert de ligne directrice à une majorité de personnes. L’effort de transmission, dans ces conditions, repose sur le pari incertain d’un sursaut collectif.

Il est coutume de dire que lorsqu’une personne alcoolique choisit de persister dans l’erreur, le plus efficace est de la laisser aller dans le mur. Ce n’est qu’à partir du moment où elle en a marre d’en avoir marre que l’aide disponible peut lui être utile, au point qu’elle se l’approprie.

C’est la raison du choix de la rédaction de notre manuscrit : Ce que nous apprennent les addictions. Les addictions sont effectivement le plus bel exemple que nous connaissions d’une erreur individuelle et collective qui peut être réparée et ouvrir l’horizon.

Ce choix de transmission aléatoire demande d’être encadré par des mesures d’accompagnement :

  • Maintien d’une activité de consultations et d’hospitalisations brèves
  • Production de documents vidéo pour expliciter les notions critiques et les propositions que nous croyons bonnes pour l’avenir.

Le carpe diem ne devra pas être négligé pour autant. Au-delà du carpe diem, il faudra sans doute s’adapter à un contexte personnel et/ou collectif compliqué, fondamentalement liberticide.

Ce que nous apprennent les addictions est que la Société n’a pas encore assez payé le fruit de ses erreurs de jugement et de conduite, de ses accommodements. Quand elle aura atteint le seuil de l’insupportable, elle réagira bien ou mal. Nous privilégions l’option du bien.

Au moment d’un choix alternatif, les reclassements interviendront, comme lors des grands conflits. L’impossible cessera peut-être de l’être.

En attendant, nous avons du travail à mener ensemble, en commençant, modestement, à faire vivre la réflexion du groupe de parole et l’activité, en essayant d’engager des dialogues utiles avec ceux qui ne sont pas totalement sourds et aveugles.

Quelles sont vos perspectives ?