17 octobre 2022

Le sentiment de solitude se distingue de l’esprit de solitude, tout en étant parfois très proche. L’esprit de solitude de Jacqueline Kelen publié chez Albin Michel fera l’objet d’une présentation détaillée en parallèle. Si l’esprit de solitude est à rechercher, le sentiment de solitude est habituellement subi et plus ou moins douloureux.

Quelle place accordons-nous à notre solitude ? Comment la vivons-nous ?

Ego, Moi, Je. L’égo est fait de fermeture et d’arrogance. Il s’associe habituellement au Moi, narcissique et grégaire. Se rappeler la formule de Dany-Robert Dufour : « Les égo-grégaires », typiques de notre Temps. Là où le « moi » revendique et réclame des droits, le « Je » se reconnait des devoirs. Il est capable d’évoluer, de se transformer. Le « Je » conscient et ouvert peut parvenir au « Je », immanent (entraide, utilité sociale) et transcendant (conscience politique et/ou spirituelle) Il peut faire vivre l’entraide et aider à prendre du recul et de la hauteur.

Considérons à présent le sentiment de solitude que peut vivre une personne devenue alcoolique. Pendant longtemps, en tout cas tant qu’elle peut, elle cache son addiction à ses proches, à son employeur éventuel et surtout à elle-même. Le déni a une fonction protectrice. Il en résulte un sentiment de solitude douloureux qui s’efface transitoirement lors des consommations festives. Il n’en reste pas moins que la personne se voit boire seule, qu’elle est obligée de se cacher. Cette situation de non-communication est très souvent le reflet ou la répétition de hontes ou de traumatismes enfouis. La croyance qu’il est hors de portée d’en parler enferme le sujet dans une solitude d’autant plus pénible qu’il lui faut composer un personnage acceptable pour l’entourage. Le sentiment de solitude s’alourdit d’une dévalorisation et d’une perte de confiance en soi. Le caractère inadapté d’une l’offre de soin, privilégiant les médicaments et l’impossible consommation contrôlée, accentue cet enfermement dans la conduite addictive. Il n’est pas étonnant, dans ce contexte, que la rencontre individuelle et collective de pairs, sobres ou en désir de l’être, rompe cette solitude. Pour autant, il ne s’agit que d’une première étape.

Le défi de l’accompagnement est de donner force à ce que Jacqueline Kelen appelle l’esprit de solitude et que nous pourrions appeler la solitude « habitée ». Cette solitude abrite les êtres aimés, plus largement une « famille invisible » et pour finir une capacité à trouver en nous du calme, de la sécurité, des capacités de réflexion et de gouvernance. Cet état correspond à ce que Goethe appelait « la seigneurie de soi ». La dimension spirituelle fait partie de l’esprit de solitude. Nous pouvons essayer de la faire vivre dans la vie de tous les jours. À chacun de la décliner comme il l’entend.

 

À quel moments avez-vous souffert électivement du sentiment de solitude ?

La solitude est-elle pour vous une épreuve et/ou une source de bien-être ?