Lundi 20 Mars 2023

Un adhérent de l’AREA a souhaité que soit mise en réflexion la thématique « sports et addictions ». La prise en considération du corps est incontournable en alcoologie et en addictologie. Dans le « Vivre après l’alcool », un chapitre (le 5ème) est dédié au corps. Si vous gardons le prisme des addictions pour aborder cette question, que distinguer ?

En premier lieu, le sport peut assez facilement devenir une addiction. Quelques patients ont pu ainsi passer de l’addiction à l’alcool à l’addiction à un sport. Ils ont respecté le principe du passage de l’addiction la plus nocive à la moins dangereuse. Non seulement le sport leur procure les endorphines indispensables à leur bien-être mais encore des gratifications plus symboliques autour de la notion de résultat ou de performance. Notons, par exemple, que le moindre des smartphones peut nous renseigner sur le nombre de pas que nous effectuons chaque jour.

Le spectacle sportif est une forme d’opium mise à disposition de tous par le système marchand. L’horaire des compétitions est arrêté en fonction des horaires de diffusion. La publicité l’encadre, tout en diffusant l’idéologie dominante, d’inspiration nord-américaine.

Les compétitions sportives ont dû se plier à la « stratégie du choc » (Peur + incohérence + arbitraire) qui a sous-tendu les mesures rattachées à la pandémie Covid. Il a fallu supporter sans broncher le principe des quotas concentrés dans des stades presque vides. Les compétitions se multiplient sans se soucier de la santé physique des joueurs, quand ils auront fait leur temps.

Désormais, n’importe quel sport-spectacle se prête aux paris, toujours par la voie numérique. Dupont ou M’Bappé, comme des chevaux ou des lévriers.

Le sport est influencé par des préoccupations lucratives individuelles. Il génère, comme toute autre activité d’envergure, une technocratie gestionnaire. Certains dirigeants manifestent leur appétence aux privilèges et aux rentes de situation. Des procès fleurissent.

Le sport alimente le souci narcissique de son image. Pour être beau et séduisant, il faut répondre aux canons esthétiques et donc associer privation alimentaire et dépense calorique.

Le sport participe à la culture de la performance et de la réussite. Il faut gagner des médailles et battre des records. Il procure les sensations de l’extrême, source d’adrénaline, quitte à générer des accidents.

Le sport en soi peut être un indicateur de vide affectif, philosophique ou spirituel, une activité occupationnelle. C’est même une façon de se déplacer en groupe. Il en est ainsi des marathons de ville : de New York à Stockholm, de Barcelone à Paris.

Le sport peut se pratiquer en salle ou chez soi, devant un programme numérique qui défile, seul et loin de la nature.

Le sport participe à la course à la distinction symbolique. Il est des sports plus côtés que d’autres. Il se confond avec la culture de l’excès.

De nombreux sports puissent leurs sources dans des traditions. Il est drôle de voir en Irlande des buts de football, prolongés par des poteaux de rugby. Ils reflètent aussi les dominations coloniales, après le reflux des colonisateurs. Les Indiens sont forts au Hockey sur Gazon. Les sports participent à la mondialisation culturelle. Ils permettent aussi à des peuples différents de se côtoyer et, qui sait, de se rencontrer. L’argent peut enlever l’essentiel de sa signification. Le Tour de France fait-il encore rêver avec ses maillots publicitaires, ses scandales de dopage et son parcours fragmenté dans des pays plus ou moins proches ?

Il existe une histoire de chaque sport et, de ce point de vue, le sport est un moyen de liant culturel transgénérationnel.

Le sport individuel est une merveilleuse source d’équilibre, physique et mental, sous réserve d’être pratiqué avec mesure. Tout comme le sport-spectacle peut constituer ou non un moment convivial de plaisir partagé ou de déconvenue relativisée, car, après tout, ce n’est qu’un jeu.

Si on en croit Churchill, qui fut un jeune cavalier fougueux au temps de la guerre des Anglais et des Boers, il n’est pas indispensable à la vie. Le secret de sa longévité politique, prétendait-il, était « Non sport’ ». Le sport est un des moyens trouvés, y compris par les animaux plus simples que nous, pour éprouver du plaisir. Il ne résume pas les possibilités et les besoins corporels. L’humain a besoin de tout : de son corps et de la disponibilité de ses trois cerveaux, ce qui inclut l’intelligence.

Ce rappel étant fait, quelle place accordez-vous aux plaisirs rattachés au corps ?