Lundi 27 Novembre 2017

La sobriété est un mot moins abrupt « qu’abstinence ». Elle suggère une attitude de vie. Pour la personne dépendante de l’alcool, la sobriété repose sur l’absence de consommation d’alcool.  Quelles sont les valeurs susceptibles de caractériser cette sobriété ? De nos jours, le terme de valeur évoque la Bourse et le Cac 40. L’expression « Nous n’avons pas les mêmes valeurs » s’entend assez souvent, même si dans la pratique quotidienne les personnes se réclamant de valeurs sont loin de toujours les mettre en application.

Quelles sont donc les valeurs que nous pouvons promouvoir pour que la vie sans alcool soit la plus agréable possible ?

La première, peut-être, est d’être « impitoyablement réaliste ». Il s’agit de ne pas se payer de mots, de pleurnicher sur les anniversaires et les fêtes à venir, sachant que vivre sa différence par rapport à l’alcool est pour « l’alcoolique » la plus utile des affirmations de soi.

L’humilité intervient immédiatement après. Les illusions quant à une ‘‘consommation modérée’’ ou ‘‘contrôlée’’ peuvent se révéler ‘‘hors de prix’’. Ce qui avait été préservé au moment de la démarche de soin peut se perdre à jamais. Ce qui s’était reconstruit laborieusement peut être détruit. Ce qui n’avait pas encore été découvert restera à jamais inconnu.

L’humilité se marie fort bien avec une légitime fierté. Tout alcoolique sait combien il faut être courageux pour rester lucide, de ne pas céder au découragement ou aux « appel des sirènes » : « Pour une fois, un verre ne te fera pas de mal, tu peux faire une exception pour déguster ce grand cru ». Cette fierté ne se confond évidemment pas avec la boursouflure du Moi qu’on que constitue l’orgueil ou, de façon encore plus ridicule, la vanité.

Le courage est une valeur nécessaire pour affronter les difficultés extérieures, les malheurs, et ses propres « démons », même sous la forme d’un bon petit diable.

La lucidité place l’alcoolique sobre très au-dessus de la moyenne de la population. Une des principales caractéristiques de notre accompagnement est de favoriser cet exercice de la raison et de l’intuition, ce que nous appelons le discernement. Nous sommes entourés de personne habitées par des certitudes, des partis pris, des jugements définitifs.

L’exercice du discernement fait place à la prudence qui est la meilleure alliée du vrai courage.

La ténacité est une autre qualité. La lucidité nous épargne de la transformer en entêtement. Persister dans l’erreur ne donne pas raison. En revanche, peu de choses s’obtiennent aisément, surtout si ce que l’on propose dérange les routines, la paresse intellectuelle, les prétentions, les petits et grands privilèges acquis.

Le sens des opportunités est à considérer. Le petit dieu Kaïros est l’ami de la patience, et de l’organisation, autres qualités indispensables.

La curiosité intellectuelle est une autre valeur. Il ne s’agit pas de la disperser en tous sens mais plutôt de l’aiguiser à partir de nos centres d’intérêt.

Le détachement matériel est une autre valeur à prendre en considération. Il ne s’agit pas d’imiter Diogène qui trouvait suffisant de dormir dans un tonneau. Sans opposer radicalement l’avoir et l’être, nous pouvons ne pas souscrire à la loi du libéralisme actuel : « accumulez, accumulez, c’est la Loi et les prophètes » et, tout autant « Travaillez (et si possible faites travailler) plus pour vous gavez plus et faire tourner à plein régime notre société de consommation, afin de freiner l’accroissement du chômage.

La bienveillance, avec ce qui convient de neutralité, est préférable à l’indignation, à la compassion automatique. L’empathie est une valeur, comme l’ouverture à l’autre, à la condition de n’être si systématique ni aveugle.

Le souci honorable du partage, du dialogue, l’acceptation positive des différences suppose des qualités méconnues, le sens de l’avance (l’avance de la parole, de la considération, la « main tendue ») équilibré par le souci de la réciprocité.

Vivre bien en étant sobre, suppose de l’indifférence face à la plupart des opinions circulantes sur ce qu’il conviendrait de faire ou de ne pas faire pour être bien vu, face  au « sociétalement correct ».

Reste d’une dernière valeur à user sans modération. Elle suppose de ne pas prendre les autres et soi-même excessivement au sérieux : savoir se moquer des autres comme de soi- même (moquez-vous de votre prochain comme de vous-même). Bref, il est souhaitable de s’exercer à l’humour, à l’ironie, à l’autodérision, et pourquoi pas à l’insolence. L’irrespect n’exclue nullement la politesse. En un mot, nous devons savoir rire, silencieusement, la plupart du temps.

Cet inventaire n’est certainement pas exhaustif. Quelle valeur voudriez-vous ajouter ?

Quelles sont les trois valeurs que vous privilégiez dans votre vie ?