Lundi 11 décembre 2017

Vous l’avez remarqué, le groupe intégratif sert de temps de réflexion pour les clés. Nous amorçons l’approche de la plus décisive d’entre elles, celle du sens.

Nous pourrions tout aussi bien mettre ces catégories – la raison, l’opinion, la foi, au pluriel̶ pour en contester le caractère « holistique », c’est-à-dire pour récuser la prétention d’une partie à englober le tout.

J’explique : toute vision particulière (psychanalyse, comportementale, systématique…) de la problématique alcoolique excluant les autres angles de vue, en s’affirmant non seulement nécessaire (utile) mais suffisante,adopte une position dogmatique et réductrice. Nous la considérons comme juste en ce qu’elle éclaire partiellement une réalité, et fausse en ce qu’elle obscurcit une compréhension élargie et approfondie.

Exemple tiré du cinéma : la scène du duel de L’Homme qui tua Liberty Valance de John Ford. Nous pensons tous que l’avocat, futur sénateur, est l’homme qui débarrassa la ville du bandit Liberty en un duel mémorable. Pourtant, un autre angle de vue montre que c’est le cow-boy amoureux joué par John Wayne qui « descend » à temps le tueur. Nous tenions une preuve, sur la foi d’un témoignage collectif et cette preuve était une illusion groupale, comme dirait René Kaës.

La foi est dit-on d’autant plus inattaquable qu’elle est indémontrable.

Nous pourrions même dire qu’elle reste irréductible aux déconstructions apportées par la rationalité, le bon sens et l’expérience, ce qui la rapproche du déni ou au mieux de la dénégation. La raison ne court-elle pas un risque équivalent ? L’ensemble des systèmes totalitaires a posé une croyance présentée comme rationnelle et même scientifique en prémisse d’asservissement, en mettant en œuvre pour la concrétiser une ‘‘rationalité’’d’autant plus irréfutable qu’elle était fondée sur la violence réelle et/ou symbolique.« La raison du plus fort est toujours la meilleure » est la morale du Loup et de l’Agneau. Est-ce à dire que chacun doit devenir un loup pour échapper au sort de l’agneau ?

Si la raison administrative ne reconnaissait pas le C3A – notre centre d’accompagnement en alcoologie -  ̶au nom des critères de rationalité formelle retenus pour l’écarter, en quoi se distinguerait-elle de la foi dans le florilège des concepts à présentation scientifique ? Nous disposons de deux notions en alcoologie cognitive : l’intervention brève et précoce (3mn), l’entretien Motivationnel (7mn) ? Comment prétendre relier la rationalité du chronomètre à un objectif aussi aléatoire que l’évolution d’une personne dans ses représentations de la consommation d’alcool, en faisant abstraction des facteurs individuels ou de circonstance ? Comment ne pas voir que l’habillage scientifique fait partie d’une rhétorique?

La raison, pour des arguments inverses, est inattaquable quand elle se vérifie par l’expérience, rejoignant ainsi le simple bon sens. Mais d’où tient-on que l’expérience constatable soit la seule interprétation possible ?Comment apprécier, par exemple, l’impact et l’intérêt du groupe intégratif si aucune procédure, aucune Autorité ne se donne la peine d’en établir la pertinence ?

Si la foi et la raison sont inattaquables, alors elles peuvent s’affronter sans fin, tout en laissant les forces à l’œuvre dans la Société exercer leur pouvoir. Elles risquent alors d’être de simples ornements idéologiques, masquant et aggravant les réalités qu’elles prétendent éclairer.

Quel crédit accordez-vous à la foi, aux opinions, aux convictions ?

Qu’utilisez-vous d’autre pour donner sens à votre vie ?