Lundi  22 Octobre

       Nous devons ce thème à une coïncidence. Une nouvelle patiente a découvert que le mémoire de clinique alcoologique donné par sa sœur, il y a 24 ans, dédié à la réparation narcissique des « femmes alcooliques », avait pour partie été rédigé après un passage prolongé dans nos groupes de parole. Ce volumineux mémoire rédigé à deux étudiantes, sous la responsabilité d’Henri Sztulman, à l’époque psychanalyste universitaire spécialisé dans les addictions, date de 1996. Sa lecture riche en références psychanalytiques est rafraichissante en ces temps d’obscurantisme comportementaliste. La thématique est d’importance puisqu’elle met l’accent sur l’objectif principal de l’accompagnement : la réparation narcissique de celle qui a bu.

    Le souci de réparer narcissiquement une femme n’est évidemment pas limité aux personnes qui ont bu. La honte, la mésestime de soi se retrouvent chez des femmes concernées par des addictions sans drogues. La psychopathologie, et, en deçà, le besoin de plaire se retrouvent chez les personnes « narcissiques » et le travail à faire avec elles est sensiblement identique. La différence se situe certainement dans l’image donnée par le fait des alcoolisations. Le mémoire a réuni deux types d’observation : des cas féminins recueillis dans un groupe d’alcooliques anonymes (AA) et un contingent de patientes suivies dans le cadre de notre méthodologie, avec notamment une implication dans notre « groupe intégratif ». Nous pouvons ajouter que la préoccupation de l’image donnée est à considérer positivement. Elle peut conduire au respect de soi.

    Pour nos deux étudiantes, il existait une différence appréciable entre les deux groupes de patientes. Chez les alcooliques anonymes, l’altérité était en quelque sorte niée. L’identité se constituait sous la forme d’un faux-self, celui de « malade alcoolique », entretenant l’illusion  d’être « tous pareils », seuls à pouvoir se comprendre. L’appartenance aux AA donnait à l’abstinence le statut d’un objectif catégorique, tout en faisant référence à une spiritualité, sans contenu explicite. Les séances comportent une ritualisation fraternelle, semblable à ce qui s’observe chez les francs-maçons. Le soignant est exclu de la conduite d’une réunion. Toute référence à la psychanalyse, à la psychopathologie, à la sociologie et à la politique de santé est exclue. Le groupe est tout puissant.

    Nous essaierons de discuter des moyens de la réparation narcissique pour les femmes et… les hommes.

    Il n’est pas besoin de souligner l’enjeu de l’arrêt de l’alcool. Les progrès se vérifient sur les plans physiques et intellectuels. Ils sont plus difficiles à se mettre en place d’un point de vue psychologique car il y a le souvenir des périodes difficiles et, assez souvent, la résistance de l’environnement aux changements. L’erreur la plus commune est de penser que l’abstinence nécessaire est également suffisante.

La question est donc : qu’est-il nécessaire pour qu’une réparation narcissique devienne effective, solide et durable ?