Lundi 14 Janvier 2019

 En préalable, un rappel : l’identité d’alcoolique, à juste titre longtemps refusée car réductrice et source de honte, peut avoir l’avantage de permettre d’entrer dans un espace d’accompagnement qui va permettre de refonder une toute autre identité, heureuse, celle-là.

L’identité d’alcoolique sert à intégrer mentalement une particularité destructrice – la dépendance à l’alcool – pour s’en protéger et revisiter les identités partielles qui définissent chacun d’entre nous.

Cette identité a d’évidentes analogies avec celle des divers groupes stigmatisés. Ceux-ci ont d’abord été mis à l’index avant d’affirmer leurs ressources et de changer positivement les représentations à leur sujet Ce levier, permis par les soignants, le groupe et l’association, nous donne la possibilité de réfléchir sur :

  • les conditions de notre épanouissement personnel,
  • nos liens avec nos proches,
  • notre position dans la société et nos points de vue sur celle-ci.

La question qui vous sollicite : savez-vous faire un bon usage de votre ‘‘identité’’ d’alcoolique ?

Je recommande le livre de Nathalie Heinich (Le débat, Gallimard, 2018) : « Ce que n’est pas l’identité »

Pour vous mettre en appétit, quelques citations ou opinions.

« Le plus court chemin de soi à soi passe par autrui ». Paul Ricœur 

Un grand nombre d’ouvrages ont été publiés ces dernières années titrant sur l’identité, tous avec une connotation problématique. Le mot a fait l’objet d’appropriations ou de rejets. Nathalie Heinich a pris le parti de préciser peu à peu ce à quoi ne se réduisait pas l’identité.

L’identité est un concept psychosociologique. Le mot peut se penser indépendamment du sens commun, revendiqué ou rejeté selon les courants politiques, les groupes et les périodes. L’identité est une construction historique qui s’appuie sur des réalités.

L’identité ne se réduit, certes, pas à l’identité nationale mais nier celle-ci est une absurdité. Chacun d’entre nous a des caractéristiques qui le rapprochent – même relativement – des autres (idem, le semblable) et d’autres caractéristiques qui le différencient (ipse, le différent).

Il existe des sources identitaires liées à nos origines et d’autres sources qui nous sont plus personnelles.

L’identité a trois aspects : elle procède d’une désignation (par autrui), d’une présentation (pour autrui), d’une auto-perception (de soi à soi).

Il n’y a pas de sentiment sans crise d’identité. Quand tout va bien en soi et par rapport à l’environnement, la sensation d’identité est tellement intégrée qu’elle n’est pas pensée. En revanche, toute dissociation entre la perception de nous-mêmes, la désignation par autrui et la présentation pour autrui introduit un décalage qui fait problème et peut aller jusqu’à un état dépressif ou susciter d’autres troubles mentaux.

Quand une identité est stigmatisée, deux attitudes se constatent : soit elle est cachée honteusement, soit elle est revendiquée agressivement, spectaculairement. Une perception d’identité négative peut évoluer dans le temps, en fonction des changements de regard concernant la particularité qui était l’objet du rejet initial. La défiance et la peur peuvent s’effacer si le groupe stigmatisé fait la preuve de sa sociabilité.

Alors comment définir l’identité ?

L’identité est une résultante d’identités partielles fortement influencées par les représentations sociales qui les concernent, représentations qui évoluent dans le temps.

Diverses minorités ont revendiqué haut et fort leur identité, au risque de se caricaturer. Cela se voit parfois dans la population alcoolique : « Je suis alcoolique, donc je bois (et au diable les conséquences) »

L’identité heureuse suppose d’avoir intégré tout ce qui fait que nous sommes uniques, tout en étant reliés aux autres, et de le vivre assez bien, sans besoin de se comparer ou de rabaisser qui que ce soit.