Lundi 17 Juin 2019

 

Wiam nous faisant le plaisir de présenter les grandes lignes de sa thèse sur la résilience, nous pourrons après l’avoir écoutée, exprimer nos points de vue.

J’avais choisi, lors d’une conférence de l’AREA, de donner mes impressions à propos de ce concept très à la mode, il y a quelques années, sous l’impulsion de Boris Cyrulnik en France. J’avais proposé un regard contrasté à partir de dix films. (2015). Serge Tisseron, l’auteur de la préface du Cinéma comme langage, avait publié sur cette thématique et le potentiel soignant du cinéma. Mon livre s’achève sur le travail que j’avais effectué pour cette conférence.

Contrairement au courant d’opinion qui semblait accorder une valeur morale à la résilience, j’avais défendu que cette notion, proche, de mon point de vue de l’instinct de survie ou de conservation, pouvait être illustrée par de sinistres personnages voire par des fous, à l’exemple du personnage du Couperet de Costa Gavras adoptant une conduite d’assassin, à l’instar des stratégies prédatrices des groupes financiers. J’avais souligné la force résiliente d’un étayage affectif précoce, à l’exemple de celui de Wadjda, l’adolescente décidée à disposer d’un vélo en dépit des interdits religieux de son pays. La résilience de cette toute jeune fille pouvait s’expliquer par son ‘‘féminisme naturel’’ et par l’amour de sa mère, elle-même soumise au machisme de sa culture. Bien d’autres facettes pouvaient faire prendre conscience des principes d’une résilience secondarisée, confortée par la fraternité amicale, comme dans La part des anges, par le rapprochement entre générations complété par l’identité de situation à l’exemple des relations d’Indian Palace. De même, la résilience pouvait se renforcer par une appartenance consciente à un groupe social dominé comme l’avaient démontré les ouvrières de « We want sex equality ».

L’expression de la résilience était influencée par la subjectivité d’une personne ou, plus précisément, par les conditions de sa mise en confiance, ainsi la jeune héroïne sans nom de Rebecca, alors qu’un pouvoir dictatorial pouvait ‘’techniquement’’ l’empêcher, en imposant sa force au point d’exécuter Les filles du botaniste coupables d’un amour homosexuel. La force de la rumeur et du rejet social évident dans La chasse pouvait entamer la résilience d’un individu rejeté injustement de sa communauté. J’avais donc plaidé en faveur du caractère construit, pour partie, de la résilience. Boris Cyrulnik lui-même parlait de phénomène inné-acquis. Cette opinion psychodynamique me semblait essentielle pour l’investissement des soignants proches des personnes en souffrance.

D’une certaine manière, la bêtise et l’égoïsme sont des facteurs facilitants de résilience alors que la lucidité et le souci de l’autre peuvent la tempérer.

Le concept plus récent de désilience est en faveur de la composante évolutive du phénomène, à partir de forces propres au sujet mais également de facteurs sociétaux. La désilience semble un phénomène secondaire, acquis, à partir de facteurs de fragilité innés-acquis. Le phénomène addictif apparaît comme une aide à une résilience défaillante avant de se convertir en facteur de désilience.

J’ai défendu, très récemment, l’idée d’une désilience adaptative, permettant à des sujets marginalisés de trouver une forme d’équilibre relatif, en dépit de leur précarité objective. Dans un grand nombre de cas, le soin doit privilégier cet objectif. Mieux vaut un exclu bien dans sa peau et lucide qu’un sur-adapté participant à la dégradation sociale, en attendant le moment de son burn / bore ou brown out. Aujourd’hui, les modalités du travail, salarié en particulier, usent dans l’ensemble la résilience des individus.

Une forme de résilience toxique, de type anaclitique doit être mentionnée : telle personne ou tel groupe social affirme sa vitalité en exerçant son emprise et sa nocivité sur son entourage.

J’avais donc exprimé mes réserves quant à l’usage d’une notion examinée indépendamment des différents facteurs associés. Je redoutais qu’il en soit fait un usage objectivement réductionniste et réactionnaire dans le sens d’une disposition innée, permettant de justifier les gagnants et d’expliquer les perdants.

En conclusion, la résilience est une force d’énergie, une force vitale, susceptible d’être renforcée, usée ou attaquée par de nombreux facteurs individuels ou d’environnement, tout au long de l’existence. Elle laisse en suspens d’innombrables questions dont l’accompagnement peut s’emparer : l’éthique, la spiritualité, l’esprit critique, l’affectivité et les plaisirs.                                 

Place donc à Wiam et aux points de vue.