Lundi 2 septembre 2019


« Le phénomène addictif se caractérise par un déplacement des limites. La compulsion se caractérise par une incapacité à rester dans les limites choisies, à moins que le sujet se donne comme objectif l’excès et la perte de contrôle. On peut distinguer des limites, des limitations, des interdits et des interdictions. Le dénominateur commun pourrait être la notion de préjudice. La limite à respecter serait celle qui sépare l’anodin du préjudice. Pour ce qui concerne notre approche de l’addictologie, nous avons toujours souligné la force discriminative de cette notion de préjudice, qu’elle concerne les autres ou/et soi-même.
Le préjudice est ce qui fait du tort. Un acte est préjudiciable s’il provoque des préjudices dans la majorité des cas. Il suppose un impact durable. Une difficulté à résoudre est commandée par le choix entre deux désirs contradictoires. La contradiction peut intervenir dans l’esprit de la personne et on dira qu’elle est ambivalente. Elle peut également opposer ses propres désirs et intérêts à ceux des autres. La contradiction suppose un arbitrage, donc une réflexion et la recherche de compromis. Aucun compromis n’est acquis d’avance. Tout compromis évolue avec le temps. Par exemple, pendant des années, une personne peut conserver une marge de liberté par rapport à sa façon de boire. Arrive le moment où le compromis n’est plus tenable. Un choix tranché s’impose.
Notre époque est assez curieuse. D’un côté, elle semble figée dans des certitudes et des peurs. Elle véhicule une grande intolérance. D’un autre côté, elle semble opter pour une fuite en avant. Les limites qui assuraient un minimum de sécurité et de stabilité sont remplacées successivement par de nouvelles limites, comme on le voit par exemple dans le domaine de l’activité sexuelle. Cette fuite en avant, privilégiant l’immédiateté et les sensations fortes fait l’impasse sur la mémoire culturelle. Elle efface les repères au prétexte d’interdire l’interdit, ce qui aboutit à créer des prisons idéologiques.
Nous sommes donc conduits à réfléchir sur ce qui peut faire limite aux débordements humains manifestement préjudiciables.


Quels sont selon vous les critères à privilégier pour choisir, défendre et promouvoir les limites utiles à notre bien-être et à la nécessité de vivre dans le monde tel qu’il est, comme alcoolique et comme personne ?