Lundi 20 Janvier 2020

Vendredi dernier, cette expression de « bifurcation » était soumise au groupe des pairs. La notion très voisine de « changement de trajectoire » est au cœur de la problématique de l’accompagnement. La bifurcation fait, à l’évidence, partie de nos objectifs de soin. En effet, l’histoire naturelle de la plupart des addictions – et tout spécialement de l’addiction alcoolique – est celle d’un effondrement à plus ou moins longue échéance. Avant le moment de la première démarche de soin, et par la suite, nous pouvons relever des changement de trajectoire de vie après de bonnes ou de mauvaises rencontres, de bons ou de mauvais choix, avec, aussi, les conséquences de la progression de l’addiction. Il existe longtemps des bifurcations passives ou actives de mise en conformité : boire comme tout le monde, fumer comme tout le monde, s’habiller comme tout le monde, s’amuser comme tout le monde…

Les bifurcations qui nous intéressent dans le domaine du soin sont des déterminations conscientes et volontaires, plus ou moins favorisées par le discernement et la présence de partenaires d’accompagnement.

Je peux faire état ici, chez deux consultations d’adultes jeunes, de deux tentatives différentes de bifurcation.

La première concerne un jeune homme qui a présenté un premier épisode délirant après un usage abusif de cannabis. Il a déjà consulté une psychologue qui me l’envoie. Il est tout à fait conscient qu’il a des choses à changer pour se donner un avenir. À la seconde consultation, celle d’aujourd’hui, il me signale qu’il n’a pas pris le régulateur d’humeur que je lui avais proposé. Il tient à quitter la logique d’être mieux en utilisant une substance psychotrope, ce qui valide ma proposition d’écarter catégoriquement la prise de cannabis. L’alcool n’est pas un vrai danger pour lui, ce qui ne m’empêche pas, bien évidemment, d’aborder cette question. Il m’est facile de le conforter dans son choix de psychothérapie, tout en lui proposant de participer à nos séances du lundi, en validant, pour la suite, sa présence par une adhésion à l’AREA. J’ai pu utiliser la proximité d’une séance sur un questionnaire de dépistage pour parler de la composante psychotique des personnalités. Le patient est tout à fait décidé à trouver sa propre voie, indépendamment des préoccupations de conformité à sa génération. Il a envie explicitement de quitter le monde de l’adolescence. En d’autres termes, nous sommes parfaitement en phase.

La situation est sensiblement différente avec un autre patient un peu plus âgé. Il s’agit d’alcoolisations aléatoires avec perte de contrôle et blackout pendant  deux ou trois jours de rang à chaque dérapage, ce qui lui pose un problème existentiel. À la différence du précédent, celui-ci ne veut rien remettre en question dans ses choix de vie. Il veut juste contrôler sa consommation. Il accepte même l’idée de se réguler en essayant un nouveau médicament pendant des mois, médicament sensé faire taire le système de récompense mobilisé par l’alcool. Il me fait part d’un protocole trouvé sur Internet. La « méthode Sinclair » utilise une vieille molécule désormais abandonnée. J’ai ajouté en annexe ce que le lien numérique dit de cette méthode, avec les résultats escomptés.

Nous voyons bien ce qui fait la différence entre les deux patients. Le premier est lucide. Il est conscient des fragilités révélées par l’addiction. Il s’investit dans une démarche de psychothérapie. Le second essaie de contrôler les effets d’une molécule (l’alcool) par une autre molécule qu’il est prêt à prendre pendant des mois pour retrouver le contrôle sur la première. Sans en avoir conscience, il s’inscrit dans le modèle addictologique proposé aujourd’hui : on ne se remet surtout pas en question, on persiste dans ses choix, on reste dans la logique de l’aide chimique.

La notion de bifurcation correspond au premier schéma et non au second. La personne se trouve clairement à une croisée des chemins. Elle aurait idéalement besoin d’un panneau indicateur. A nous de le lui montrer.

Nous avons tous eu dans notre vie des bifurcations qui se sont dessinées. Pouvez vous rendre compte des vôtres ? La perspective de bifurcation vous convient-elle ? Est-elle pour vous compatible à votre philosophie de vie ?

 

TSM 101 pour les professionnels de la santé

C’est quoi la méthode Sinclair (TSM) ?

La méthode Sinclair (TSM The Sinclair Method) est un traitement médical pour les personnes alcool-dépendantes. Le traitement est basé sur des recherches scientifiques. Le traitement vise le système de récompense du cerveau par le procédé d’une extinction pharmacologique avec comme résultat une réduction de consommation d’alcool et une réduction des pulsions addictives.

Quelles sont les bénéfices de la méthode TSM pour le patient ?

  1. Une réduction ou une élimination de consommation d’alcool sans les risques qui sont associés à une méthode de sevrage.
  2. La réduction d’alcool réduit les obstacles au traitement souvent associés à l’abstinence.
  3. Le traitement TSM est peu coûteux. La Naltrexone (ou son générique) coûte en moyenne 1,10 euros par comprimé.
  4. TSM n’est pasune thérapie de substitution. Les antagonistes opiats sont sans danger potentiel d'abus et ne créent pas de dépendance.
  5. TSM n’utilise pas un blocage constant des endorphines. La médication est ciblée sur l’activité de boire, elle est alors uniquement utilisée quand il y a une consommation d’alcool.
  6. TSM peut aider à former des habitudes saines. Les jours qu'ils ne consomment pas d'alcool, les patients doivent être encouragés à participer à des activités qui procurent du plaisir.

Et la thérapie dans tout ça?

Si votre patient, à côté de ses problèmes d'alcool, souffre aussi des troubles mentaux, il faudra chercher un traitement pour ces troubles. Mais, selon SAMHSA (Substance Abuse and Mental Health Services Administration) moins que 40% de personnes avec des troubles de la consommation d'alcool ont également des troubles mentaux.

Les résultats de TSM : à quelle vitesse ?

Chaque personne est différente, mais on observe en moyenne :

Les premiers 30 jours 10-20% de réduction

30 jours-6 mois 10-50% de réduction

6-12 mois 50-90% de réduction

1-2 ans 70-100% de réduction

2 ans et plus 80-100% de réduction

Y-a-t'il des effets secondaires ?

Les effets secondaires sont possibles avec tous les médicaments et la Naltrexone ne fait pas exception. Les médecins constatent rarement des effets secondaires. Si une personne souffre d'un effet secondaire lié à la Naltrexone, il s'agit la plupart du temps des nausées légères ou transitoires.

Est-ce que tout le monde peut utiliser TSM ?

Non. Les personnes qui sont addictes aux narcotiques et qui montrent des signes de sevrage à l'arrêt d'utilisation des narcotiques ne peuvent pas prendre de Naltrexone parce qu'elles ressentiront des symptômes de sevrage. Une utilisation occasionnelle des narcotiques, sans addiction, n'est pas dangereux en combinaison avec la Naltrexone mais l'effet des narcotiques se trouvera bloqué dans le cerveau. La grossesse et des dommages hépatiques sont des contrindications. La Méthode Sinclair n'est pas recommandée pour les personnes qui sont abstinentes depuis une longue période et qui ne sont pas en risque imminent de rechute.