09 Mars 2020

Le hasard d’une consultation aboutit à la proposition de ce thème.

La position sacrificielle peut s’exposer ainsi : une personne choisit une option de vie qui va à l’encontre de ses intérêts manifestes sans que cette option ait une chance sérieuse de changer la situation, à court, moyen ou long terme.

Qu’est-ce qui est à l’origine d’une telle attitude ? Comment l’identifier ? Comment la justifier ?

Qu’est-ce qui est à l’origine d’une telle attitude ?

Comment l’identifier ? Comment la justifier ?

Comment l’écarter ? Par quoi la remplacer ?

Cette avalanche de questionnements peut nourrir la réflexion de chacun, sans pour autant la limiter.

Si nous reprenons ce qui s’est écrit pour la définir, nous butons sur une première expression : « ses intérêts manifestes ».

Qui désigne les « intérêts manifestes » ? Nos intérêts ne coïncident pas nécessairement avec ce qui nous est proposé comme « intérêts ». Nous pouvons, par exemple, décider que la réussite sociale ne nous intéresse pas ou que le « festif » nous insupporte, tout comme les grands sujets de société dont on nous rabat les oreilles. Nous pouvons choisir d’être indifférents à ce qui nous est proposé pour être admirés, reconnus, célébrés, aimés… Nous pouvons élaborer nos propres critères de choix, nos propres priorités, en acceptant les risques et les inconvénients qui s’y rattachent. Nous pouvons respecter telle ou telle personne sans être d’accord avec sa façon de penser ou de se comporter.

Quelqu’un qui choisit son combat, à l’encontre de ses intérêts manifestes, des intérêts socialement admis comme légitimes, peut subir toutes sortes de désagréments. Il peut susciter le dénigrement, la délation, l’incompréhension, l’injustice et la haine. Que lui importe si ce qu’il fait est conforme à ce qu’il croit bon et nécessaire ? S’il reste assez prudent ?

Dans la position sacrificielle, il y a une quête excessive de reconnaissance, la crainte du jugement ou des représailles, un souci de conformité, une défaillance de l’esprit critique et de la volonté.

La position sacrificielle semble liée à la problématique de l’image mais également à une forme de masochisme : pour vivre, je dois souffrir.

Le refus de se vivre comme bourreau peut conduire au choix inconscient d’un destin de victime. Dans ce cas, c’est la crainte du sentiment de culpabilité qui peut devenir le moteur de l’action. C’est une éventualité devenue rare.

Il n’est pas rare que la victime présumée porte elle-même les stigmates de la stupidité et de la perversion. Elle n’est responsable de rien. A l’en croire, elle n’a fait que subir et qu’être abusée. Elle n’a rencontré que de mauvaises personnes. Elle n’a connu que des situations funestes. Son bon cœur a été trompé. En même temps, c’est elle qui a permis les agissements de celui qu’elle dénonce.

Petite vignette clinique : une toute jeune femme arrive à la consultation accompagnée de sa mère. Sa sensibilité lui interdit d’évoquer directement ses traumatismes. Elle les a consignés dans la mémoire de son téléphone portable. Elle peut l’envoyer sur la messagerie et le donner ainsi à lire. Son papa a abusé d’elle. Ses premières relations l’ont entrainée vers le chemin des drogues. Elle n’a surtout pas fait d’études ni suivie de formations qui pouvaient lui donner une consistance sociale et une pensée personnelle. Elle squatte l’appartement de sa mère et le transforme en chambre d’injection d’héroïne. Elle attend d’être admise en Clinique psy et l’admission se fait attendre. La maman se pose également en victime : la vie avec sa fille est un enfer. Bientôt, la fille pourra retrouver des semblables dans l’enceinte psychiatrique et tout continuera comme avant.

Si ma famille ou mon groupe d’appartenance pense faux, de mon point de vue, pourquoi devrais-je prendre fait et cause en sa faveur ?

Si quelqu’un ne me respecte pas, pourquoi et au nom de quoi devrais-je subir son attitude ?

Si une cause me tient à cœur, si j’estime qu’une situation me demande d’intervenir, pourquoi m’en priverais-je ? Inversement, si ce qui m’est présenté comme cause ou comme situation de danger équivaut, pour moi, à une imposture, à la manifestation d’une idéologie que je vomis, pourquoi devrais-je y consentir ?

Rien n’a été souligné pour laisser chacun libre de prendre ou de laisser l’argument. Voilà de quoi alimenter notre échange…