L’épicurisme citoyen dans le contexte de chacun

 

Lundi 31 août 2020

Notre groupe a ceci d’extraordinaire que chaque thème donne l’occasion de revoir une question d’envergure sous un jour nouveau et – qui plus est -- spontané. Nul besoin de retrouver des rangées de livres de bibliothèque, de revoir des notes ou de s’attarder sur la Toile. Une personne du groupe a proposé de mettre la citoyenneté à l’ordre du jour d’une réunion. Ce thème tombe bien, avant la reprise. L’intitulé et le sous-titre suffisent à cadrer la réflexion.

Au moment de rédiger ces lignes, je-ne-sais quelle officine annonce une campagne de prévention pour les addictions et m’indique ce que je dois activer comme ligne numérique pour m’inscrire dans cette démarche. Quand et où le débat sur la prévention des addictions a-t-il eu lieu ? Qui est ce donneur de consigne institutionnel ? Comment peut-on s’inscrire dans la logique politique en cours dans le champ des addictions et parler de prévention ? Le Numérique restitue une ambiance biblique. Les Tables de la Loi apparaissent et nous devrions, pauvres mécréants, les mettre en œuvre, probablement sous la forme d’affichettes informatives dans nos salles d’attente.

Laissons, à ce stade de l’interrogation, la question des addictions pour examiner aujourd’hui le thème de la citoyenneté car il est évident que cette question ne trouve son intérêt qu’à la condition de la rapprocher du fonctionnement de la société actuelle, dans son ensemble.

Nous avons, pour commencer, à prendre en compte un phénomène culturel dominant dans nos sociétés, ce qui a été appelé la culture égo-grégaire. La façon de pratiquer l’individualisme et le lien social sont à l’opposé de la culture citoyenne classique.

Dans les temps anciens, l’individualisme consistait essentiellement à se démarquer de ses groupes d’appartenance, à mettre en question les acquis culturels, sans forcément les rejeter, à les approfondir. L’effort d’individualisation visait, autant que possible, à penser par soi-même. Ce travail était aidé par les milieux éducatifs. Des tuteurs participaient à l’élargissement de l’horizon. Le lien social se déclinait dans les différentes instances du collectif en commençant par l’école, le quartier, le club sportif éventuel, l’éducation religieuse, le rapport au livre.

Dans la culture égo-grégaire, l’individualisme accorde plus de place à l’image, au Moi ainsi qu’aux valeurs du libéralisme, la compétition (par tous les moyens), la « réussite sociale » (visible de préférence), la consommation en tout domaine (objets, partenaires, voyages…). Le lien social est avant tout festif (anniversaires, concerts, rave-parties). Cette opposition est sans doute tranchée.

Elle pose cependant la question de la citoyenneté dans ces deux groupes culturels. Aujourd’hui, l’expression démocratique privilégie les manifestations de rue et la défense de thématiques particulières : la cause des femmes, le droit des immigrés, certaines discriminations, l’écologie…Des manifestations semblent n’avoir d’autre but que de se dérouler. L’époque antérieure a favorisé le discrédit du jeu démocratique traditionnel. Les partis politiques se sont discrédités. La citoyenneté semble s’être cantonnée à des aspect catégoriels : associations de quartier, associations de défense d’intérêt particuliers.

Ce contexte pose la question de la citoyenneté d’une façon particulière. Est-il encore possible d’être citoyen, c'est-à-dire d’œuvrer concrètement pour le Collectif, en cherchant à favoriser des innovations, des adaptations ou des transformations souhaitables ?

Une partie de l’ouvrage « Anesthésie générale » rend méthodiquement compte d’un échec d’une démarche citoyenne à caractère politique dans le champ des addictions et de la Santé. Ce n’est pas faute d’avoir essayé.

Faut-il en conclure que vouloir être citoyen aujourd’hui est une mission impossible, un rêve à abandonner au plus vite ? Nous ne partageons pas une vision aussi pessimiste. Nous pensons que la fonction citoyenne peut s’exercer à l’échelle individuelle dans les différents secteurs de notre vie.

Des exemples ? Dans le désordre, nous pouvons citer le respect minimal des gestes barrière en ces temps de pandémie, la politesse sociale dans la vie relationnelle ordinaire, le refus de se fondre dans la culture égo-grégaire, le souci d’exercer son esprit critique en toute situation, l’obstination à faire vivre sa conscience professionnelle, tout en assumant ses responsabilités.

Une association peut avoir le souci concret de l’intérêt général. Il faudra certainement attendre une aggravation de la situation politique pour redonner ses chances…à la politique.

Croyez-vous que la citoyenneté soit possible aujourd’hui ?

Dans quels domaines et de quelles façons l’exercez-vous ?