Olivier Assayas
Gallimard, Tracts, n°20 2020
3€90, 41 pages
Nous ne sommes pas des réalisateurs de cinéma et nous n’écrirons jamais dans Les Cahiers du cinéma. Nous ne nous identifions nullement aux amateurs qui disposent d’un blog de commentaires et donnent des étoiles de satisfaction aux films. Nous ne nous considérons même pas comme des cinéphiles. Simplement, le cinéma fait partie de notre univers mental depuis notre enfance, au même titre que le livre.
L’essai d’Olivier Assayas ne nous a rien appris. Ce réalisateur s’adresse sans doute à ses pairs, ce qui est un erreur de distribution. La collection Tracts épuiserait-elle ses auteurs et leurs centres d’intérêt ?
Autant inviter, ici, chaque lecteur à réfléchir aux raisons de son attachement au cinéma, à ses craintes, attentes et espérances. Qu’attendons-nous du cinéma ?
Les goûts étant affaire de personne, voici les miens.
Je vais commencer par dire ce que je fuis dans le cinéma. Je déteste, au cinéma comme dans la vie, la vulgarité, l’agression, la médiocrité, la distraction-fuite, à la façon des verres de l’oubli. Il est certes possible et même souhaitable de montrer la laideur du Monde à condition que l’opération soit menée avec talent, sobriété, humour et profondeur. Par exemple, un mari qui se débarrasse machiavéliquement de sa femme alcoolique et, contre toute attente, sort libre de son procès, devient inoubliable quand il prend le visage et la corpulence de Michel Simon dans La Poison. Je me fiche que l’intrigue soit invraisemblable quand elle devient prétexte pour montrer un jeu amoureux ou créer une atmosphère, comme les films d’Hitchcock de sa période anglaise, en noir et blanc, Les 39 marches ou Une femme disparait. Les films les plus déprimants sont les « daubes » : scénario nul, acteurs nuls ou rendus nuls car mal dirigés, erreurs de casting, mauvaise « photographie », cadrages laborieux, sans oublier les poncifs, les quotas de bien-pensance, les stéréotypes de romans-photos et le désir de choquer.
J’adore les films disposant d’un bon sous-titrage. Un film doit nous faire du bien : nous avons à nous identifier ou à reconnaître, à éprouver des émotions d’enfant. Le sourire, le rire doivent être présents. Le réalisme peut être poétique, esthétique. Le sordide doit, au moins, être élégant et distancié. La douleur ou le malheur doivent pouvoir être montrés de façon respectueuse. Nous devons pouvoir retrouver des acteurs que nous aimons et en découvrir d’autres.
Les réalisateurs ont le droit et le devoir d’être des auteurs. Leurs films doivent porter leur signature, incarner une personnalité et un style. J’aime assez mettre en jeu, lors de la découverte d’un film, l’activité intellectuelle mobilisée par un bon livre, notamment l’analogie. Je suis heureux d’apprendre quelque chose d’un pays, d’une activité, d’une époque, d’un conflit par le cinéma sous un angle original. J’aime savoir dans quel contexte un film d’exception a été tourné, connaître un peu plus ceux qui ont produit mes films préférés. J’aime revoir ces derniers, pas autant que Truffaut, mais pas loin. L’équipe responsable du film met tellement d’elle-même. Je suis un peu cinéphile à la façon d’un abonné de bibliothèque. Quand un auteur me plait, j’aime découvrir ses autres œuvres ; parfois une version longue. J’aime en général davantage les films très anciens : ils montrent plus et exhibent moins. Les effets spéciaux m’ennuient. Les films anciens remasterisés sont souvent un bonheur. Il y a tant de trésors du cinéma inconnus.
C’est peut-être particulier mais je n’aime habituellement pas les films qui excèdent 120mn comme je n’aime pas les livres de 300 pages. Je vois un film comme un morceau de musique ou une pièce de théâtre, une mise en tension qui s’apaise. Je fuis les séries pour ce motif. J’aime ce qui précède et ce qui suit la découverte d’un film : le choix du film, l’arrivée dans la salle, l’attente, les commentaires qui suivent, prolongés dans une fiche, pour ce qui nous concerne, avec le petit travail d’accompagnement qui améliore sa consistance.
J’ai peur que le cinéma disparaisse.