Réalisation et scénario : Jeanne Henry
Date : 2022 France Durée : 118 mn
Acteurs principaux :
Dali Bensallah : Nassim
Elodie Bouchez : Judith
Fanny : Suliane Brahim
Adèle Exarchopoulos : Chloé
Miou-Miou : Sabine Gilles Lelouche : Grégoire Laïla Bekhti : Nawelle :
A/SA/HA
Mots-clés : Justice restaurative – groupe de parole – médiation – délits – abus sexuel
La justice restaurative est apparue en France en 2014. Elle consiste à mettre en présence dans un cadre établi, avec des accompagnants professionnels et bénévoles, des auteurs de violence sur personnes et des victimes, sans relations antérieures entre elles. Le film fait exception en mettant en présence des années plus tard une petite sœur abusée et un grand frère abuseur. L’acte condamné est ainsi le trait d’union.
Ces confrontations ne sont pas sans évoquer le début de La part des anges de Ken Loach. Un futur père de famille, accompagné de sa compagne enceinte est mis en présence des conséquences de sa violence sous cocaïne : un jeune homme a perdu un œil. L’épisode a lourdement impacté le reste de sa vie.
De Jeanne Henry, j’ai vu et mis en fiche deux films intéressants : Pupille – sur l’adoption – Elle adore – et sur les tribulations d’une groupie de chanteur.
J’ai appris qu’elle était la fille de Miou-Miou, qui joue dans ce film.
Qu’ai-je pensé de « Je verrai toujours vos visages » et de ce qu’il fait connaître ?
J’ai été très attentif tout au long du déroulement du film.
Le sens du titre est révélé à la fin : la plupart des protagonistes ont, pendant 5 mois, suivi des séances de groupe où ils ont pu échanger, abandonner des positions défensives ou simplistes, s’exprimer, s’interpeller, s’ouvrir à une forme de découverte mutuelle. Les auteurs des violences ont pu mesurer les conséquences de leurs actes. Le dialogue instauré a contribué à ce que les victimes passent à autre chose, qu’elles reviennent dans leur vie avec un fardeau allégé. Les détenus ont développé progressivement à une conscience plus affirmée, inexistante au départ, des dégâts psychologiques qu’ils avaient provoqués. La réflexion a favorisé une compréhension valant pour entraide.
Une des encadrantes assure le rôle de médiateur entre l’ex-petite sœur abusée et le grand frère pervers qui apparemment, a « refait sa vie » sans dommage, en dépit du procès suscité par sa sœur. Elle avait rompu le silence souhaité par leurs proches, notamment par la grand-mère qui accepte à contre-cœur de lui donner le numéro de téléphone de son frère.
Les acteurs jouent justes et sont convaincants.
J’éprouve cependant un malaise face à ces exercices de « restauration ». Je ne suis pas, hélas, sans ignorer l’ampleur et la banalité des dommages induits par l’alcool, les troubles de l’humeur ou de la personnalité souvent associés, les effets en cascade, pluri-générationnels, des violences présentées dans ce film. Je suis informé de l’impunité de la plupart des auteurs de violences sexuelles. J’y suis confronté au quotidien.
Ces diverses exactions et leur prise en charge masquent des carences permises et indirectement encouragées par notre société libérale, pour laquelle les humains sont avant tout des objets/supports de consommation. La justice restaurative, de ce point de vue, est un arbre qui masque le désert. Faillite éducative, abêtissement de masse, effacement de l’éthique et du sens critique, société inégalitaire, passe-droits, tolérance complaisante, hypocrisie et lâcheté sociale, absence de solutions structurelles, non-reconnaissance institutionnelle des essais de réponse de terrain. Les meilleures réponses se situent ailleurs que dans des cercles compatissants.