Réalisateur : Alfred Hitchcock

Scénario : Charles Bennett

Date : 1937 / GB

Durée : 83 mn

Acteurs principaux :

Nova Pilbeam : Erica Burgoyne

Derrick de Marney : Robert Tisdale

Percy Marmont : le colonel Burgoyne

Edward Rigby : Will, le vagabond

Mary Calre : la tante d’Erica

George Curzon : Guy, l’assassin

Basil Radford : l’oncle d’Erica

A/SA

 Mots-clés : – jeune fille – quête amoureuse– humour – suspense - tics

 

Jeune et innocent DVD

Ce film d’Hitchcock tourné en 1937 n’a été connu des spectateurs français qu’en 1978. Le maître du suspense humoristique était, dans l’intervalle, devenu célèbre, à partir des films produits aux USA.

Erica est la fille du commissaire Burgoyne, un distingué colonel. Elle va avoir très vite l’occasion de manifester son savoir-faire de secouriste auprès de Robert, interrogé jusqu’à l’épuisement par des policiers persuadés de sa culpabilité. Robert a découvert une baigneuse morte sur la plage, près des flots. Le bras de cette dernière, soulevé par les vagues, peut faire croire un instant qu’elle nage. Le jeune homme reconnaît la morte. C’est Christine, une célèbre actrice de cinéma. Il part en courant chercher des secours pour, explique-t-il, trouver quelqu’un qui fasse du bouche à bouche. Il n’a pas vu la ceinture, l’arme du crime, qui serpente sur le sable. Deux baigneuses découvrent un instant plus tard le corps sans vie et croient que le jeune homme s’enfuit. De surcroît, Robert avait travaillé pour la morte. Elle a été étranglée par la ceinture d’un imperméable qui pourrait bien être celui de Robert. L’enquête établit rapidement que l’actrice a couché Robert, scénariste de films, sur son testament ! Il affirme son étonnement devant cette information alors qu’il avoue être pauvre. Le début de l’histoire a montré une violente dispute entre l’actrice et son mari. Le spectateur sait d’emblée que Robert est innocent. Erica en a rapidement la conviction et, rapidement, au volant de sa voiture, elle va l’aider à rechercher l’imperméable…

 

Enquête policière ou quête amoureuse ?

Le décalage des années écoulées et chaque détail ajoutent du charme à l’histoire. La recherche d’innocence, prétexte de l’intrigue, ressemble beaucoup à une quête amoureuse. Robert est un beau jeune homme attentionné. Il ne se comporte jamais en coupable. Erica n’éprouve intuitivement aucune difficulté, aucun frein, en dépit de la position de coupable présumé de Robert, à en tomber amoureuse et à devenir son alliée. On croirait voir un film de Franck Capra. Erica occupe le rôle de maitresse de maison chez son père apparemment veuf, auprès de ses jeunes frères, comme dans Monsieur Smith au Sénat, de 1939. Le vieux Will, le vagabond, porteur de la pièce à conviction sous d’autres pardessus, évoque l’ange de second classe, au secours de George Bailey de La Vie est belle, de 1946. Il est amusant de retrouver des acteurs de l’époque devenus des références. Ainsi, le mari balafré de la tante d’Erica, Basil Radford, incarnera deux ans plus tard un des deux anglais passionnés de cricket d’Une femme disparaît.

Hitchcock a l’habileté narrative de placer le spectateur à la place de celui qui sait alors que les protagonistes du film ne savent pas, ne voient pas l’évidence. Will, le vagabond, a endossé l’imperméable de Robert, qui lui a été donné par George l’assassin, sans la ceinture. George a donc étranglé son actrice de femme avec préméditation avec la ceinture de l’imperméable volé à Robert qu’il soupçonne d’être l’amant de sa femme. Will et Erica cherchent en vain dans la foule des danseurs l’homme aux tics. Ils ignorent qu’ils sont près si près de l’assassin, le batteur de l’orchestre, grimé en clown, sans doute pour donner à cet orchestre une couleur New-Orléans.

Hitchcock s’amuse et nous amuse à mêler l’inquiétude et le sourire. La passion d’Erica pour le secourisme lui permet, successivement, de rencontrer l’homme de sa vie et de démasquer l’assassin.

Hitchcock n’expliquait pas les ressorts de l’histoire. Les spectateurs devaient eux-mêmes réfléchir aux détails du scenario pour lui donner une cohérence. Ils étaient présumés intelligents. Pour autant, les spectateurs n’hésitaient pas à exprimer bruyamment leurs sentiments lors des scènes chargées d’émotions, à la façon d’enfants.

La scène qui aboutit à la découverte de l’assassin a été maintes fois commentée, pour son travelling. La caméra, après un lent balayage, aboutit à l’assassin qui cligne de plus en plus des yeux tant il est perturbé. Il croit à tort que les policiers qui encerclent l’hôtel sont là pour lui. Il y a eu, auparavant, une scène où les deux héros se trouvaient retardés dans leur quête par une partie de Colin-Maillard organisée par la tante d’Erica, que l’on retrouve en baronne inquiétante, épouse du chef de la propagande, dans Une femme disparait. Les personnages avancent en aveugles et le spectateur-enfant a envie de les interpeller pour les mettre sur la voie.

L’humour est au service du suspense. Au début de l’histoire, Robert croise Erica, embêtée par sa voiture, devant le commissariat. Il y est conduit par les policiers pour être soumis à l’interrogatoire qui devrait faire de lui un coupable. Il a le temps de s’excuser, au vu des circonstances contraignantes, de ne pouvoir l’aider. Auparavant, il s’est évanoui de fatigue et d’inanition, ce qui a permis à Erica de passage, puisque c’est le lieu de travail de son père, d’exercer son talent de secouriste, en lui faisant prendre un verre de Cognac.

Ces films contrastent par leur légèreté subtile avec l’insondable bêtise des gens de notre temps – acteurs, journalistes, politiciens ou experts – qui se prennent au sérieux à partir de tout et de rien…