Henri Gomez, né le 28 mai 1943 à Oran en Algérie, est un psychiatre, spécialiste de l’accompagnement des personnes en difficulté avec l’alcool. Il est à l’origine d’une méthodologie prenant en compte la durée et les ressources mentales des patients. L’AREA31, qu’il a fondé, est une association qui donne un rôle-clé à des aidants issus du soin. Cette organisation permet de faire vivre, avec un souci d’économie de moyens, la réflexion justifiée par la diversité et la complexité des addictions.

 

Biographie

 

Henri Gomez est né d’une mère de devoir et d’un père artisan ferronnier, qui deviendra patron d’un grand atelier de charpentes métalliques.

Il suit une filière classique puis choisit la Médecine à Montpellier, un an avant l’indépendance de l’Algérie. Son enfance a été marquée par de l’asthme. Devenu interne, il choisit la gastro-entérologie et se fixe à Toulouse, dont sa femme, étudiante en lettres modernes, est originaire. Leur premier enfant a une cardiopathie complexe, accessible à une chirurgie palliative. Une sœur nait moins de deux ans plus tard. Elle perd son frère quand il a 7 ans, dans les suites d’une nouvelle intervention chirurgicale. Une sœur et un frère naîtront les années suivantes.

Henri Gomez rejoint le parti socialiste, en 1974, sur les orientations politiques du CERES. Il est membre du comité directeur, de 1978 à 1981. Après le tournant européiste opéré par le Parti socialiste, en 1982, il se retire de l’action politique. Il adopte la pratique du cyclotourisme de montagne.

En 1989, gastro-entérologue, il crée une association qui deviendra l’AREA 31. Il a dialogué avec des alcooliques devenus sobres, membres des Alcooliques anonymes. La méthodologie d’accompagnement repose sur l’implication du soignant au sein d’un groupe de parole qu’il nommera « intégratif ». Henri Gomez codifie le concept hospitalisation brève en alcoologie (HBA) au sein d’un établissement non psychiatrique de ville. Il se lie d’amitié professionnelle avec François Gonnet, gastro-entérologue, alcoologue et formateur lyonnais, également membre de la Société Française d’alcoologie. Il publie un premier ouvrage, en 1993, « La personne alcoolique », chez l’éditeur toulousain Privat. Jean-Paul Descombey, psychiatre alcoologue à l’hôpital Sainte-Anne, auteur de la même maison d’édition, incite cette dernière à publier le manuscrit. L’ouvrage sera réédité par Dunod. L’auteur rencontre, par ce biais, Michelle Monjauze qui a publié « La problématique alcoolique ». Il partage la même intuition que cette clinicienne quant à la possible « part psychotique » à l’origine de cette addiction. Les déplacements à Paris, lors des journées de la Société française d’alcoologie et les conférences organisées à Toulouse, sont l’occasion de faire vivre une amitié intellectuelle, riche d’échanges, avec ces cliniciens et quelques autres.

En 2010, il devient possible pour lui de cesser l’activité de gastro-entérologie et de poursuivre l’activité d’alcoologie avec le statut moins inconfortable de psychiatre. Il crée alors la Collection Bacchus chez l’éditeur toulousain, érès, afin de produire des ouvrages détaillant les différents volets de la méthodologie. L’association vit des ressources de ses adhérents, de subventions de la Sécurité sociale et du Conseil Général, ce qui assure la survie de l’activité. Pour autant, aucune reconnaissance contractuelle n’est reconnue par l’Agence Régionale de Santé. Celle-ci consent une participation à l’établissement d’accueil de 2008 à 2018. Le groupe intégratif, pièce maîtresse du dispositif, ne fait l’objet d’aucune rétribution spécifique. L’association accueille les étudiants pour des stages.

Un fossé s’est créé dès 1989 entre cette pratique nouvelle et les orientations prises au niveau national. Les centres d’addictologie de statut public accueillent majoritairement des toxicomanes, constituant un volet de la médecine sociétale. Des médicaments d’efficacité négligeable, des thérapies dites brèves, d’inspiration comportementaliste, seront privilégiées par l’addictologie officielle. Les cures et les postcures seront maintenues comme références de séjour.

En novembre 2019, la pandémie du covid 19, est à l’origine de la politique de confinement. L’activité d’accompagnement par les groupes est interrompue quelques semaines. Elle reprend avec des précautions transitoires, sans constat de contagiosité particulière au sein du groupe de parole. Un ouvrage de synthèse élargie a été mis en chantier. « Ce que nous apprennent les addictions » ne sera publié par Dunod, qu’en 2023. Ce livre, à la publication longtemps incertaine, souligne l’impact de la Modernité tardive sur les configurations mentales et le lien social. Il souligne l’intérêt des paradoxes, des analogies et des hors-sujet, en opposition avec la pensée binaire, algorithmique et classificatoire, qui s’est imposée. L’ouvrage souligne la valeur d’une pensée philosophique fidèle à ses origines grecques et spinoziennes. Il souligne l’enjeu d’une spiritualité distincte des croyances dogmatiques.

En 2024, l’association décide d’un programme vidéo qui présente les principaux concepts opérants. En 2025, le projet se complète de textes enregistrés mettant en valeur les ressources de l’élaboration mentale assurée par le groupe de parole.

 

Approche clinique et méthodologique de l’alcoolisme

 

L’objectif du soin ne s’arrête pas au contrôle ou à l’arrêt de la consommation. Il fait le pari des ressources de chacun, dans le contexte qui est le sien, hors addiction, dans l’optique d’un changement de trajectoire de vie.

Les premières consultations visent à clarifier et conforter la motivation du patient, à lui donner l’envie et l’espoir de devenir l’auteur de son rétablissement, en lui faisant prendre conscience de la force de la réflexion et de l’entraide.

Le groupe de parole intégratif, animé par l’alcoologue, avec ses référentiels et son cadre associatif, est l’outil privilégié pour l’élaboration mentale. Il vise à développer la part adaptative du sujet.

Les grilles de lecture utilisées associent les diverses sources de connaissance dits humanistes : psychanalyse, psychologie individuelle et sociale, profils de caractère et de personnalité, psychopathologie, approche systémique et familiale, questionnements sociétaux, technologiques et politiques, philosophie, spiritualité, ouverture à la diversité culturelle, via les livres et le cinéma.

Pour l’AREA, la question des résultats ne se limite pas à l’évolution de la consommation d’alcool. Elle ignorerait alors la diversité des situations cliniques et sociales. L’arrêt de l’alcool est plutôt considéré comme un repère ou un point de départ. L’objectif du soin se situe dans le développement de l’esprit critique, des capacités relationnelles et une meilleure maitrise des difficultés propres à l’existence.

 

 

 

L’alcoologie relationnelle

 

Le concept d’alcoologie relationnelle se dégage d’une conférence de 2011, à Toulouse. La problématique alcoolique ouvre à l’ensemble des conduites addictives associées, au premier rang desquelles figurent, désormais, les mésusages et la dépendance au numérique, induite et contrainte, avec les menaces croissantes qui en résultent sur les structurations mentales et la liberté politique.

La dimension relationnelle repose sur la force contributive des aidants, sur l’alliance thérapeutique entre patients, aidants et soignants. L’association permet d’établir un pont avec les partenaires de santé, les structures politiques et les populations intéressées.

Dans la continuité de « Ce que nous apprennent les addictions », la réflexion se poursuit pour mieux appréhender les effets propres à la modernité tardive sur la vie mentale et les sociétés.

 

Ouvrages en alcoologie

 

  • La personne alcoolique, 1993 Privat puis Dunod 2006
  • Soigner l’alcoolique, 1997, Dunod
  • L’alcoolique, les proches, le soignant, Dunod, 2005
  • Guide de l’accompagnement en alcoologie, Dunod, 3ème édition, 2015
  • Vivre après l’alcool, deux éditions, 2012, 2018 érès
  • L’hospitalisation brève en alcoologie, 2011, érès
  • Les groupes de parole en alcoologie 2011, érès
  • Le cinéma comme langage, 2014, érès,
  • Les représentations de l’alcoolique, (Ouvrage collectif) 2014, érès
  • Ce que nous apprennent les addictions, 2023, Dunod

 

Vidéos 2024 : 13 concepts-clés. Site area31.fr

La problématique alcoolique – L’alcoologie relationnelle – L’équation – Le groupe comme intellectuel collectif – Parlons des aidants - L’hospitalisation brève en alcoologie (HBA) – La motivation – L’axe philosophique de la réflexion – Façons de penser – Les proches en question – Pourquoi l’AREA se dit-elle amie des viticulteurs ? – Le darwinisme sociétal – L’atelier-cinéma.

Autres vidéos, sur « l’écriture pénitentiaire » à propos de « Ce que nous apprennent les addictions », sur « Les leviers mobilisateurs pour combattre les addictions ».

 

Livrets à l’intention des médecins généralistes.

  • Élaboration collective pour le Réseau « Passages 31» : Accompagner les personnes en difficulté avec l’alcool.
  • Comment aborder les problèmes d’alcool en consultations. Cahiers de l’AREA n°3, 2007

 

Conférences associatives conceptuellement marquantes :

  • Les proches de l’alcoolique, 2010
  • La relation d’aide, l’alliance thérapeutique, l’alcoologie relationnelle, 2011
  • Illustration d’une pratique de groupe, Conseil de Région, 2023 : « Le discernement, à quoi bon ? »

 

Différents articles pour la revue de la Société française d’alcoologie, Alcoologie, Addictologie, pour la revue Santé Mentale et, pour mémoire, pour la revue Repères.

 

 

Héritage et impact

 

Henri Gomez a inscrit sa réflexion dans la continuité du fondateur de l’alcoologie française, le psychiatre Pierre Fouquet.

Il marque le domaine de l’alcoologie en France, tant par ses innovations méthodologiques que par sa réflexion critique sur les politiques de santé publique. Son travail a inspiré de nombreux soignants et aidants, sans pour autant susciter des débats décisionnaires modifiant l’offre de soin existante pour les addictions dans le champ de la Santé. Il insiste sur la nécessité d’une réflexion collective face aux enjeux contemporains, constitués notamment par l’impact du numérique et de la logique néolibérale sur la santé mentale.