20-10-2025
Ces thématiques ont pu être abordées séparément dans un passé récent. De fait, des consultants ont pu mettre en avant l’une ou l’autre de ces fatigues. Peut-on les retrouver chez la même personne ? Dans quelles circonstances ? Pour quelles personnalités ?
Chacun est invité à s’interroger.
Je me risque à réfléchir sur ma propre situation.
Je ne ressens pas habituellement la fatigue d’être soi (Moi). J’ai, en effet, plaisir à faire ce qui me plaît, ce qui correspond à mes centres d’intérêt. La fatigue que je peux ressentir dans ces conditions est plutôt une saine fatigue, celle qui récompense un effort qui atteint son objectif ou, du moins, qui ne se disperse pas. Le seul risque que je pourrais ressentir dans ce registre correspond aux responsabilités qui pèsent sur mes épaules, qui m’enfermerait dans un personnage. Souvent, avec l’impact des années de pratique, quand je vais en ville, je croise des personnes que j’ai soignées. Je dois me remémorer qui elles sont. Je ressens la fatigue d’être l’alcoologue, alors que je souhaite être un passant qui se rend au marché ou dans une librairie. Je suis content de dire bonjour, de savoir que j’existe pour quelques uns, et de prendre des nouvelles mais j’aimerais être invisible. J’imagine, à ma très petite échelle, l’inconvénient d’être un personnage célèbre, comme il s’en croise tant dans certains quartiers de Paris. La fatigue d’être soi est magistralement illustrée par le poème d'Alfred de Vigny à propos du vieux Moïse : « Je suis, Seigneur, puissant et solitaire, laissez-moi m’endormir du sommeil de la Terre. » Je peux ressentir la fatigue de la responsabilité, par le fait de l’impossibilité de la transmission et, à plus forte raison, de la pérennité et de l’effet-modèle à court terme de notre méthodologie. Les conditions n’en sont pas réunies dans un pays et un monde soumis aux technologies robotisées, à la loi du Marché et aux élites qui le servent et se servent.
J’éprouve beaucoup plus la fatigue de ne pas être soi (Moi), la nécessité de me censurer, ou de devoir tenir compte du regard des autres. De temps à autre, j’écris ou, plus rarement, je dis ce que je pense et cela me fait du bien. J’ai fait mienne une formule entendue : « Je pense tout ce que je dis mais je ne dis pas tout ce que je pense », non sans mesurer le risque d’une prudence excessive.
Je pense inévitablement à tous les dominés, les « sans-grade » obligés de se taire, de passer pour des imbéciles aux yeux de ceux qui pensent ne pas l’être, pour éviter de subir davantage la loi du plus fort et des inégalités sociales. La fatigue de ne pas être soi me semble beaucoup plus sérieuse et dangereuse que la première. Elle peut susciter maladies psychosomatiques, dépressions, addictions. Cela étant, avec la capacité d’agir selon ce qui nous importe, et de dire ce qui semble essentiel à des personnes capables d’écouter, la situation n’est pas si désespérée.
Apprendre à devenir soi-même et à établir le maximum de concordances entre ce que l’on pense, dit et fait, n’est pas inaccessible.
J’ai répondu pour ce qui me revient. Qu’en est-il pour vous ?