Emmanuel Todd

Gallimard

23€, 269 pages

 ladefaitedeloccident

La réflexion d’Emmanuel Todd nous change des affirmations véhiculées par les discours habituels. Le plus simple sera d’encourager la lecture de ce livre qui recoupe nombre des opinions qui se dégagent de notre propre expérience.

Selon l’auteur, nous sommes probablement les seuls à nous prendre au sérieux, quand nous estimons être une référence pour le reste de la planète. Au mieux, sommes-nous un exemple de ce qu’il ne faut pas faire.

Le quatrième de couverture présente clairement le contenu de l’ouvrage.

« L’implosion de l’URSS (le 21 décembre 1991) a remis l’’histoire en mouvement. » Les USA ont impulsé leur globalisation, alors même ce que ce continent perdait une bonne part de ce qui faisait sa force. « La disparition du protestantisme a mené l’Amérique du néo-libéralisme au nihilisme ; et la Grande-Bretagne, de la financiarisation à la perte de sens de l’humour. L’état zéro de la religion a conduit l’Union européenne au suicide. »

« Entre 2016 et 2022, le nihilisme occidental a fusionné avec celui de l’Ukraine, née de la décomposition de l’URSS. Ensemble, OTAN et Ukraine sont venus buter sur une Russie stabilisée, redevenue une grande puissance, désormais rassurante » pour ce « reste du monde », c’est-à-dire le « détail » constitué par la Chine, l’Inde, l’Iran, les Emirats et les pays arabo-musulmans, sans parler du Brésil, sur un plan économique.

En envahissant l’Ukraine, l’URSS a signifié qu’elle ne supporterait pas davantage la militarisation de sa frontière occidentale. Le « reste du Monde » ne veut pas suivre l’Occident dans son aventure belliciste contre la Russie. Elle a fait échouer en partie les « sanctions économiques » décidées par les pays de l’OTAN

Comment expliquer cette politique antirusse des USA ? Selon l’auteur : par la prétention, c’est-à-dire la bêtise. Et celle des Européens ? Par une bêtise renforcée, par un suivisme décalé qui masque de plus en plus difficilement l’indifférence des élites, des sous-élites et de leurs « valets » au sort de leurs pays d’origine. Individualisme oblige.

« Le prolétariat laborieux des années 1950 s’est mué en plèbe », (p314) le peuple s’est mué en consommateurs incultes et manipulables, « acculés à l’alcoolisme et drogues diverses, au désespoir, aux désordres mentaux et au suicide. « Les partis de gauche, socio-démocrates ou communistes, s’appuyaient sur des classes ouvrières exploitées. « Les partis populistes (de droite et de « gauche », s’appuient sur des plèbes dont le niveau de vie dérive largement du travail sous-payé des prolétaires de Chine, du Bangladesh, et d’ailleurs ».

Comme le précise Todd, nous sommes tous en Occident « des extracteurs » de la plus-value constituée ailleurs. Le libre-échange a tenu sa promesse : favoriser le consommateur aux dépens du producteur, transformer le producteur en consommateur, et le citoyen en plébéien parasite » (p315). Là, se situe l’origine de notre sentiment de culpabilité.

Une rage nihiliste semble s’être emparée de nos pays. Les diverses professions qui répondent à l’utilité sociale sont soumises à cette logique qui donne un pouvoir discrétionnaire à des métiers d’encadrement et de contrôle indispensables au fonctionnement du système. L’expansion de la bureaucratie numérique en est un symptôme évident, en même temps qu’un efficace moyen d’asservissement. Nous n’avons plus de classe dirigeante capable d’exprimer un destin collectif au plus grand nombre.

L’ouvrage permet une meilleure connaissance de la réalité idéologique ukrainienne, et, sur un autre plan, de mieux apprécier l’effet de l’effondrement des valeurs historiques structurantes de l’Occident, notamment le discrédit de la valeur-travail et de l’éthique qui s’y rattache. Anecdotiquement, l’idéologie LGBT participe au discrédit de l’Occident pour des pays et des religions attachées à des repères plus proches des lois naturelles que celles de l’indifférenciation néo-libérale et de la marchandisation générale