Boualem Sansal
Discours
Pour le prix de la paix
Des libraires et éditeurs
Allemands
Francfort-sur-le-Main
16 octobre 2011
Tracts Gallimard n°66
3€90, 24 pages
Boualem Sansal soigne un cancer depuis une prison algérienne. Gallimard édite un de ses discours de 2011. Sens des opportunités. L’initiative fait penser au « Indignez-vous ! » de Stéphane Hessel, un opuscule composite, édité il y a quelques années à grand renfort de publicité, à de très nombreux exemplaires. J’ai recherché sur le net la date de publication : 2010. J’ai pu découvrir, dans la même rubrique d’Amazon, au titre des « livres similaires », « Ce que je cherche », de Jordan Bardella. Il me semble que ce que cherche ce monsieur, impeccablement habillé et rasé, n’est pas difficile à deviner. Personne ne s’indigne du qualificatif « similaire ». Peut-être après tout, existe-t-il des similitudes entre l’opération éditoriale de Stéphane Hessel et la diffusion du discours prononcé par Boualem Sansal à l’occasion d’une remise de prix par une société d’éditeurs allemands ?
Il reste que les médias si prolixes à propos de l’incarcération algérienne de Boualem Sansal, insupportable coupable de son innocence, ne se sont pas étonnés de sa candeur masochiste. Comment Sansal a-t-il pu imaginer que le gouvernement algérien pouvait accueillir sa liberté d’expression alors qu’il n’a cessé de dénoncer, de façon symétrique, le nationalisme de la nomenclatura au pouvoir et le fanatisme islamique ?
Notre Président de la République a octroyé la nationalité française à Sansal en 2024. Peut-être Boualem a-t-il cru que cette qualité le préservait de tout désagrément pour revenir au pays de ses racines ? Boualem, homme de haute culture, connait Slawomir Mrozek. Cet auteur satirique avait pris soin de prendre le large avant de produire sa critique féroce de la bureaucratie communiste d’avant la chute du mur de Berlin. Il avait obtenu, aussi, la nationalité française, avant de retrouver son village près de Cracovie, une fois la Pologne intégrée dans le giron européen.
Maria Cardinal s’était fait connaître, peu après l’Indépendance algérienne, par un livre émouvant, « Au pays de mes racines ». J’ai oublié le contenu de sa nostalgie mais je crois nécessaires de faire l’effort de distinguer nos différentes racines.
Nous avons, certes, des origines géographiques, régionales, familiales, ethniques, religieuses, culturelles. Nous sommes incontestablement influencés par nos origines. Cependant, par définition, nous n’en avons choisi aucune. Le fait de disposer de telle ou telle racine ne donne aucune valeur à « la racine ». Un tel est berrichon, un autre alsacien, un troisième est de nulle part. Gérard Mendel avait relevé que, désormais, le monde était peuplé d’individus « sans appartenance ». Il était un peu en avance sur la mondialisation. Il n’avait pas forcément raison sur la généralisation de l’anomie. Les particularismes ont la vie dure et comment s’en étonner ? Pourquoi s’en indigner ?
N'empêche : Boualem n’a pas été prudent.
J’avais lu (et même rédigé une fiche) lors de la publication de son « 2084 ». Je l’avais trouvé un peu touffu, très proche, en définitive, de l’inspiration de son modèle orwellien, « 1984 ». Ce qui manque encore à « 2084 », c’est le roboratif pendant à « 1984 » : « La ferme des animaux », un ouvrage qui devrait faire partie du programme scolaire dès la fin de l’école primaire. Si l’on s’en tient aux racines culturelles européennes, l’usage de l’humour et de la dérision font partie de l’arsenal de base, face aux mésusages de la force, quelles qu’en soient les racines et les motivations.
Boualem est un homme de foi. Je cite au hasard, une des phrases de son discours (p11) : « Le prix de la paix est comme le doigt de Dieu ou la baguette du magicien, il vous transfigure à l’instant où il vous touche le front, il fait de vous un soldat de la paix ». Croit-il que nous sommes en démocratie en France ?
Cher Boualem…