Lundi 23 février 15
Parmi les trouvailles conceptuelles de notre réflexion figure la « théorie des cercles ». Je l’expose brièvement. Nous aurons à la mettre en débat. Il est utile que cette notion devienne familière à nos « aidants » et, plus largement, qu’elle nous aide à penser nos problématiques personnelles et d’entourage. La théorie des cercles concerne tout spécialement le conjoint et le proche co-dépendant. Qu’est ce donc que la théorie des cercles ? Elle s’imagine à partir de la structure de l’atome : un noyau central, des ensembles d’électrons répartis autour de lui sur des cercles concentriques.
Examinons d’abord le noyau-individu, sachant que toute personne constitue le noyau de l’atome représentant son entourage. Aussi dérisoire que cela puisse paraître, chaque personne existe au centre de son monde. En accord avec la conception psychanalytique et psycho-dynamique proposée par Michelle Monjauze, ce noyau comporte deux parties plus ou moins identifiables, séparées par une ligne de fracture au moins virtuelle. Une partie de ce noyau correspond à la trace mnésique de la non-individuation initiale, de l’objet « bouche-sein » qui serait la représentation la plus archaïque de notre identité somato-psychique. C’est ce que Michelle Monjauze appelle la « part alcoolique » et que nous préférons nommer « part psychotique ». La persistance notable de cette composante archaïque est un des éléments déterminant du clivage de la personnalité. L’autre part de la psyché correspond à ce qui est abusivement désigné par l’expression « part saine ». En réalité, cette part prétendue saine ou plutôt « part relationnelle » est soumise aux influences successives des environnements au sein duquel le sujet évolue au fil du temps. Cette part saine correspond avant tout à notre capacité à penser, à notre esprit critique, à la vie relationnelle. Quels rôles jouent l’alcool et les produits psycho actifs d’agressivité similaire dans l’évolution du noyau-individu ? La part psychotique s’entretient et se développe sous l’effet des alcoolisations, favorisant les conduites les plus régressives, proche de l’autisme. Sous l’action de l’alcool (et de ses équivalents) la cohésion mentale est fragilisée elle s’appauvrie. À l’image d’un rocher, la vie psychique se fissure et se morcelle. La coupure avec le réel s’accentue. Le Soi tend à disparaitre ou, du moins, à prendre une consistance ectoplasmique. Le sujet ne dispose plus de pensée propre. Il se réduit à des propos convenus et à des activités plus ou moins répétitives,automatiques.
Les produits ou les comportements addictifs ne sont pas seuls en cause dans les défauts d’épanouissement des personnes. Les différentes interactions entre le sujet et ce qui lui est extérieur jouent également un rôle déterminant pour le meilleur et pour le pire. Cette évidence invite à porter son attention sur les cercles d’électrons qui entourent le noyau. Nous remarquerons que l’ordre de ces cercles change avec le temps. Ainsi, pour un enfant, le partenaire du premier cercle est la mère ou les équivalents maternels − y compris les nouveaux pères−, une grand-mère, une nourrice ou toute autre personne de substitution qui porte, tient, regarde, parle à l’enfant de façon privilégiée.
Bien évidement, le lien mère enfant est et demeure primordial, à l’âge du bébé-éprouvette. Ce sont les insuffisances et les disfonctionnements de ce lien primordial qui sont à la source de la plupart des troubles de l’humeur et de personnalité en lien avec un manque de sécurité de base. La qualité de la relation mère-enfant peut être remise en cause par l’arrivée d’un autre enfant, source de rivalité fraternelle et de perturbation de la relation à la mère. C’est le partenaire affectif qui remplace, chez le garçon hétérosexuel ou la femme homosexuelle, plus nettement, la mère.
À l’âge adulte, donc, la représentation atomique de l’individu et de son environnement comporte l’individu-noyau au centre, le partenaire affectif et intellectuel de référence sur le premier cercle. Les enfants éventuels figurent sur un second cercle, particulièrement quand le noyau central correspond au père. Une jeune maman peut être tentée de privilégier le lien avec son enfant reproduisant le lien développé au commencement de son histoire avec sa propre mère. Sur le troisième cercle se situe les divers éléments constitutifs de la famille, entretenant des relations régulières avec le sujet.
L’évolution des sociétés a affaibli l’influence de la famille et assez souvent c’est l’environnement professionnel qui l’emporte sur les liens familiaux. Il n’en reste pas moins que la cellule familiale peut fonctionner comme un espace clos ayant aussi bien un effet de protection et d’identité qu’un impact négatif. Elle est rattachée à l’histoire du sujet sur plusieurs générations. L’ensemble constitué par la personne et son environnement baigne dans un milieu social et culturel d’influence très variable, selon les contextes.
Si on se place du point de vue de la cohésion mentale et de l’épanouissement des personnes, la théorie des cercles permet d’imager un certain nombre de dysfonctionnementsaussi bien rapporté à la personne qu’à son entourage tant en prenant en compte le milieu relationnel et l’ambiance au sein duquel ils vivent. Le soin peut viser trois objectifs :
L’objet de notre réunion est d’examiner la pertinence de cette théorie et d’examiner ensemble ses possibilités d’adaptation, en fonction des situations relationnelles.
Pensez-vous que cette théorie des cercles soit susceptible de vous aider à retrouver un meilleur équilibre et un épanouissement plus satisfaisant ?
Pensez-vous qu’elle puisse être un support pédagogique pour expliquer le vivre-ensemble ?
La théorie des cercles peut-elle être selon vous un outil pour les thérapies familiales ?
Pourriez-vous l’utiliser avec bénéfice pour la compréhension de votre cas personnel ?