Lundi 04-01-2016
Wiam m’a proposé de soumettre à votre réflexion la notion de ‘‘dépression réparatrice’’ comme premier temps de ce qui sera discuté de ce point de vue au sein de son groupe de parole.
Que peut bien signifier le qualificatif de réparatrice ajouté à celui de la dépression dans le contexte de la problématique alcoolique ?
La dépendance alcoolique finit par produire un état de sidération des désirs au bénéfice du besoin de boire. Elle substitue à l’activité relationnelle un agir compulsif facilité par des rituels. À l’arrêt de l’addiction un sentiment de vide pénible se fait jour, passée une période d’euphorie transitoire. Le vide se manifeste par un ennui douloureux, un état an-hédonique qui se prolonge en dépression plus ou moins larvée et manifeste. Comment une telle dépression pourrait devenir réparatrice ?
La dernière consultation me servira d’illustration. Soit un homme de moins de 50 ans, père d’une fillette de six ans, avec une épouse plus jeune d’origine marocaine, un emploi probablement routinier lui apportant cependant la sécurité d’un salaire et des avantages sociaux appréciables. Il n’a pas encore de pathologie somatique. Il boit. Son état anxio-dépressif bénéficie d’une ordonnance orthodoxe. Cet homme est suivi depuis trois ans par une consœur psychiatre. Il continu de boire et d’être déprimé alors que la relation de psychothérapie lui convient. Comment son état dépressif, manifestement structurel, mais accentué par les effets directs (l’effet dépressogène de l’alcoolisation) et indirects (la réprobation de son épouse), pourrait faire place à une dépression réparatrice ? Quelque part, c’est au patient de le décider. C’est à lui de savoir s’il préfère se complaire dans cet état d’insatisfaction auquel il est habitué ou s’il décide de prendre une option de vie plus épanouissante et moins passive. J’ai cru comprendre qu’une partie de la démarche de ce patient correspondait au besoin de se réapprovisionner en anxiolytique et en somnifère. J’ai joué sur l’ambivalence faiblement perceptible pour lui indiquer une évolution possible de sa situation. Il est reparti avec un dernier exemplaire des « Clés », les coordonnées des groupes de parole, tant pour lui que pour son épouse. En me quittant il m’a laissé entendre qu’il serait prochainement hospitalisé. Je l’ai encouragé à reprendre rendez-vous quand il le voudrait. Je lui ai également donné un compte rendu récent sur l’affirmation de soi et le thème qui avait pour intitulé « L’autre ! ».
Une dépression ne peut ouvrir à une « réparation » qu’à la condition de mettre un terme à l’incendie que représente l’alcoolisation. Le patient serait bien inspiré de réduire progressivement la chimie qu’il absorbe et de choisir de reconstituer sa production d’endorphines naturelles par des activités d’endurance régulière, en développant des relations affectives de proximité plus satisfaisantes, et plus encore peut-être de développer des activités conformes à ses aptitudes dans le cadre extra-professionnel et professionnel. Il est relativement aisé ‘‘d’enchanter le quotidien’’.
Nous l’aurons compris la dépression n’est pas réparatrice en elle-même. Elle ouvre à un autre possible si le sujet s’en donne les moyens. Dans ce cas, il ne sera jamais un imbécile heureux, conforme à ce que la société attend de lui. Il aura le pouvoir de faire un bon usage de sa dépressivité et de ses variations d’humeur.
Avez-vous été concerné par la dépression ?
Avez-vous l’expérience de l’aspect réparateur d’un état dépressif ?