Lundi 28 août

L’addiction est une aliénation d’expression comportementale. Elle peut être déterminée ou non par un produit ayant des effets psychoactifs.

Le caractère intermittent, conditionnel, de l’addiction n’invalide pas cette réalité.

Au fil du temps, le besoin et la compulsion l’emportent sur toute autre considération, signant la perte de liberté.

Pour autant, l’addiction peut devenir latente et inapparente, après un sevrage.

L’envie de boire peut se manifester mais elle est séparée de l’acte. Avec du temps, l’envie s’estompe. Elle se réinstalle si la consommation reprend, telle est la loi fondamentale de l’addiction. Les exceptions ne font que confirmer cette règle.

L’objet de la séance est de réfléchir à ce qui n’est pas une addiction mais qui lui ressemble.

Souvent, des collègues ou des patients ont cherché à savoir quelles ont été ou sont mes addictions.

Ma réponse peut ouvrir des pistes utiles et c’est pourquoi j’en parle.

Avec de l’entraînement, je suis parvenu à un niveau assez élevé d’activité. J’ai un rapport temps/activité au-dessus de la moyenne. C’est sans doute la raison pour laquelle les clés commencent par la clé du temps n°1 et par la clé de l’acte n°2. Suis-je un addicté du travail ? Je crois que oui. Ai-je la capacité de ne rien faire ? Pas vraiment. Pourquoi suis-je autant attiré par le travail ? Tout simplement parce qu’il me convient. Le moteur se situe principalement dans le goût de comprendre. Cela renvoie à la clé du discernement n°3. Le travail me permet aussi de rencontrer vraiment des gens, d’essayer d’infléchir des parcours de vie difficile, douloureux. Cela convoque la clé n°4, celle de la sensibilité, et la clé n°7, celle du sens à donner une vie, la mienne et celle des autres. Ce travail n’a rien de répétitif. Il me donne la possibilité de créer en permanence, dans le cadre des consultations, des réunions, en lien avec la lecture et le cinéma. Il satisfait ainsi pleinement la clé n°6. Néglige-t-il le corps – clé n°5 ? Même pas car le travail intellectuel et relationnel demande à être équilibré par l’exercice physique qui me relie à la Nature, et je pratique un sport de plein air. Cette addiction au travail a-t-elle des effets préjudiciables ? Je n’en vois pas. Mes proches vivent aux côtés de quelqu’un qui est plus disponible et attentif que la plupart des désœuvrés.

Cette addiction me permet de vivre mes clés qui sont mes raisons de vivre. C’est la raison pour laquelle la retraite ne m’intéresse pas.

Que masque cette addiction au travail ? Peut-être le refus du Monde tel qu’il est. C’est probablement un moyen d’éviter la dépression. Le travail n’altère pas ma lucidité, au contraire, comme tout la sobriété aiguise celle d’un « ancien buveur ».

Ai-je d’autres addictions ? L’écriture, sans doute, mais orienté vers des objectifs, et tellement liée à l’activité, alors que le propre de l’addiction me semble de n’avoir comme finalité que l’addiction.

Au fond, je suis un addicté de l’alcoologie comme certains sont addictés de l’alcool. Les ressorts et les retombées sont différents, c’est pourquoi je serai prêt à défendre l’idée que mon rapport au travail ressemble beaucoup à une addiction mais qu’en définitive, il s’en éloigne par ses retombées, la qualité et la signification de vie qui en résultent.

Mon parcours de vie n’est pas celui d’un addicté, avec l’accumulation des ennuis et des pertes. En revanche, il ressemble beaucoup à la démarche d’une personne qui se libère de l’addiction alcoolique et effectue un travail d’élaboration mentale.

Le but de l’accompagnement n’est pas de supprimer la part addictive d’une personne. Il est de supprimer les addictions préjudiciables et d’intégrer, si possible, des activités à caractère addictif, qui ne comportent pas les inconvénients d’une addiction.

Avez-vous noté pour vous des pratiques, des capacités, des envies qui peuvent ou pourraient remplacer les conduites addictives préjudiciables ?

 Vivez-vous une activité qui n’est pas une addiction mais qui lui ressemble ?