Titre original : Delitto d’amore

 

Réalisation : Luigi Comencini

Scénario : Luigi Comencini, Ugo Pirro

Date : 1974

Durée : 105 mn

Acteurs principaux :

Stefania Sandrelli :Carmela Santoro

Giuliano Gemma : NulloBronzi

Emilio Bonucci : le frère de Nullo

Brizio Montinaro : Pascale

Renato Scapa : le docteur

SA / HA

Mots clés :   conditions de travail, condition féminine, oppositions identitaires, jeu amoureux, actes de désespoir

 

 

« Delitto  d’amore » est un remarquable film de Luigi Comencini. Le scénario a été écrit avec le concours de Ugo Pirro, l’écrivain qui inspira le célèbre « La classe ouvrière ira au Paradis ».

L’histoire se déroule à Milan. La Lombardie industrielle attirait les populations du sud, soucieuses d’échapper au sous-développement de leur région. Carmela, superbement interprêtée par Stefania Sandrelli, est une jeune femme sicilienne, appartenant à une famille catholique traditionnelle. Elle tombe amoureuse de Nullo, un ouvrier communiste. Leur histoire devient emblématique des contradictions de la Société italienne de l’époque. Le film montre avec un réalime sombre les conditions de vie, à l’usine et dans la cité.

Comencini utlise la trame d’un mélodrame, où l’humour n’est pas exclu, pour peindre avec justesse et nuances les oppositions de culture entre le nord et le sud de l’Italie, au-delà du contexte proprement social. Le mépris des humains et de l’écologie est sanctionné non par une lutte sociale mais par un acte individuel désespéré : l’ouvrier tue le patron qui, indirectement, a tué celle qui l’aime. Ainsi s’accomplit le paradoxe d’un drame social aboutissant à un crime passionnel original.

La violence de l’exploitation et des oppositions identitaires

L’histoire aide à remonter aux deux sources d’une grande partie des malheurs humains : la recherche aveugle du profit, d’un côté, les oppositions identitaires, de l’autre. Carmela et Nullo sont italiens mais, avant tout, ils appartiennent à deux cultures différentes, à deux idéologies, pourrait-on dire. Le machisme fait le lien entre les deux.

L’amour a du mal à se frayer un chemin tant les oppositions culturelles sont fortes. Une brève séquence dans les vestiaires des ouvriers montre leurs préférences machistes pour les femmes du sud, plus soumises et meilleures cuisinières que celles du nord, aux mœurs plus égalitaires. Le personnage de Carmela est très éloigné d’un stéréotype. En dépit de la différence du contexte, c’est le drame de Roméo et Juliette qui se rejoue. L’amour peut se déclarer et se vivre partout, dans les toilettes séparées de l’usine, au bord d’une rivière abominablement polluée par des mousses chimiques et des détritus accumulés sur les berges.

Carmela est partagée entre son amour avec un italien du nord, dont la culture communiste s’oppose à sa culture catholique du sud. A un moment, Nullo s’enquiert auprès d’un camarade politique de l’éventualité d’un prêtre marxiste qui pourrait représenter un compromis pour le mariage ! Carmela ne tient pas à se marier car son salaire est dédié à sa famille qui espère pouvoir revenir au pays, en Sicile. Si elle épousait Nullo, elle trahirait doublement sa famille, sur le plan financier et sur le plan culturel.

En contrepoint, Comencini pose, avant le développement de la préoccupation écologique, la question de la dévastation du cadre naturel par l’industrialisation sauvage et celle de la santé des ouvriers victimes de conditions de travail meutrières. Dans une scène de retrouvailles, Carmela et Nullo enterrent plusieurs moineaux tués par la pollution, cette même pollution industrielle qui aura raison de la santé de Carmela. Le médecin du travail, après une premier malaise de Carmela, essaie de l’orienter vers un secteur de l’usine moins toxique. Elle refuse car son salaire est meilleur et parce que son poste lui permet d’être plus proche de son amoureux.

Nous avons trop tendance, aujourd’hui, à négliger les différences culturelles tout comme les conséquences dévastatrices d’une politique économique dédaigneuse des équilibres à préserver, des défis à relever pour rendre le monde plus vivable : celui décrit par l’histoire ne l’est pas.