Réalisateur : Costa-Gavras

Scenario : Costa-Gavras et JC Grumberg D’après la pièce de théâtre de Rolf Hochhuth

 Date :  2002 France/Allemagne/Roumanie

Durée : 135mn

Acteurs principaux :

Ulrich Tukur : Kurt Gerstein

Mathieu Kassovitz : Riccardo Fontana

Marcel Iures : le pape Pie XII

SA/HA

Mots-clés : Analogie – Raison d’Etat –Omerta – Culpabilité – Génocide

amen

 

Kurt Gerstein est un ingénieur chimiste allemand, de religion luthérienne. Il a mis au point un produit désinfectant, également toxique sous forme de gaz, le Zyklon B. Il est encarté et en uniforme nazi. Il est invité un jour par des SS qui lui montrent une application de son gaz pour éliminer des « personnes en trop », des juifs, dans une chambre à gaz expérimentale. Horrifié, il va tenter de divulguer cette information secrète, en s’adressant à d’autres membres de l’élite allemande, de la même culture religieuse que la sienne. Il est lui rétorqué que l’Allemagne est en guerre et que toute dénonciation serait un acte antipatriotique. Ne dissociant pas éthique et religion, il rencontre au cours d’un essai de rencontre du nonce du pape Pie XII à Berlin, un jeune abbé, Ricardo Fontana, dont le père est un proche conseiller de Sa Sainteté. Dans l’intervalle, la Solution finale a commencé… Quelques mois auparavant, les nazis s’étaient fait la main, si on peut dire, en éliminant d’autres personnes en trop, à savoir des personnes atteintes de troubles mentaux de nature psychiatrique, en utilisant des gaz de tuyaux d’échappement. Une des nièces de Kurt Gerstein avait été sacrifiée au nom de l’eugénisme. Du bricolage. Un prélat avait courageusement dénoncé cette pratique en chaire, un peu à la façon du Cardinal Saliège en France. La morale de l’histoire sera amère, à plus d’un titre, particulièrement si nous appliquons l’analogie à nos temps troublés.

La complicité objective des Pouvoirs, les aveuglements individuels

La thématique de ce film illustre la question centrale de la fin des temps Modernes : « Aurais-je été résistant ou bourreau ? » posée par Pierre Bayard. Elle interroge les phénomènes des aveuglements collectifs et individuels. Plus largement encore, elle fait réfléchir au statut de la parole d’autorité.

Qui dénonce aujourd’hui la culture « festive » qui assure la prospérité des marchands d’alcools et des dealers illégaux ?

Qui s’étonne aujourd’hui de l’absence de toute transmission de connaissances sérieuses et adaptées aux jeunes générations en termes d’addictions à l’école ?

Quelles études scientifiques critiquent l’inadéquation de l’offre de soin en alcoologie ? Qui plaide pour l’alcoologie relationnelle à l’heure de la distanciation numérique ?

Quelles forces intellectuelles occultent la force des dialogues de partage, tels qu’ils sont mis en actes au sein du groupe intégratif et lors des hospitalisations brèves ? Ne vous faites pas d’illusion : ils savent, comme Pie XII et la Curie romaine, comme les diverses autorités savaient.

Sommes-nous tous cantonnés à l’impuissance de Kurt Gerstein ? Certainement pas, pour ce qui nous concerne directement. En attendant d’improbables prises de conscience collectives, de quels pouvoirs disposons-nous aujourd’hui pour secouer nos chaînes ?

Les personnes qui disposent de l’autorité rattachée à la Parole (voir à ce sujet « Quand la parole détruit » de Monique Atlan et Roger-Pol-Droit, aux éditions de l’Observatoire) ont la responsabilité première de l’exercer.

Nous vérifions sans peine qu’elles savent détourner les yeux et préserver leur ignorance pour ne perturber en rien leurs égoïsmes et intérêts particuliers. Leurs indignations ont pour fonction principale de nourrir la bonne opinion qu’elles ont d’elles-mêmes.