Réalisateur et scenario : Nanni Moretti

 

Date : 2023      Italie

Durée : 93 mn

Acteurs principaux :

Nanni Moretti : Giovanni

Margherita Buy : Paola, sa femme,

Silvio Orlando : Ennio, l’élu communiste

Barbora Bobulova : Vera, sa compagne

Mathieu Amalric : Pierre, un sponsor français

Jerzy Stuhr : l’ambassadeur polonais

Valentina Romani : Emma

A/SA/HA

 Mots-clés : Politique – Désillusion – narcissisme – couple - choix

versunavenirradieux

J’ignorais et vous aussi peut-être : « Vers un avenir radieux » a été l’intitulé de plusieurs partis politiques et le titre d’un chant de résistance. Dans le contexte d’aujourd’hui, il prend une saveur particulière.

Nanni Moretti raconte et se raconte sans apparemment se lasser.

Le réalisateur, Giovanni, utilise un procédé souvent utilisé : l’histoire du tournage d’un film. Il met en scène un moment de bascule chez les communistes italiens, après l’envahissement de Budapest et de la Hongrie par les chars russes, en octobre1956. Ces communistes étaient acquis aux valeurs du socialisme démocratique. La révolte étudiante s’était élargie aux ouvriers et aux intellectuels. Ils s’opposaient à la tutelle du grand frère soviétique. Ils aspiraient à plus de libertés. La révolte fut rapidement matée. Le gouvernement d’Imre Nagy démocratiquement élu était renversé. Les Russes avaient opéré en deux temps. Ils avaient d’abord encerclé, puis l’artillerie et les chars avaient affrontés les soldats et les civils hongrois.

Cette action soviétique fratricide a révélé la nature du régime soviétique aux militants communistes des pays qui échappaient à la tutelle soviétique. Ils n’avaient pas lu Orwell, sans doute. Le film à l’intérieur du film dépeint l’impact dévastateur de l’invasion de la Hongrie, sous le regard passif du camp libéral, occupé à l’époque par le canal de Suez. Le film de Moretti montre avec sensibilité le désarroi du dirigeant de la cellule du Parti et maire de la commune. Un spectacle de cirque assuré par un troupe hongroise régalait la population locale. La brutalité des images ne laisse place à aucun doute. Deux attitudes sont possibles : silence ou refus. Au détail que le refus signifie la fin d’un monde d’illusions.

Un autre drame se décline en parallèle : l’épouse de Giovanni, qui travaille à ses côtés comme scénariste, en a plus que marre de l’égocentrisme de son conjoint. Le rappel de la fin d’une illusion politique fonctionne comme un écho de la fin d’un couple. Pour l’épouse, sortir du système totalitaire conjugal est devenu une nécessité vitale.

Analogie, quand tu nous tiens

J’aime beaucoup Moretti. Je ne sais pas dans quel mesure son film n’est pas aussi une autocritique de ce qu’il est, au-delà de son métier.

Nanni, en italien, veut dire : disciple du Christ. Pour un ancien communiste italien, nourri de culture chrétienne, marxiste et gramscienne, la vie est un désenchantement, une suite de déceptions. Son œuvre en témoigne de « La messe est finie » à « Santiago, Italia » pour qui fait siennes les valeurs humanistes. Habemus papam est aussi une histoire sur la sortie d’un mirage.

La désillusion comme conjoint se complète d’une désillusion lorsque lui et sa femme découvrent le choix conjugal de leur très jeune fille.

Le rôle de l’argent n’est pas escamoté. Amalric est un admirateur du réalisateur mais ses promesses de sponsor ne tiennent pas. C’est Netflix qui va assurer la couverture financière du film. Une critique déclare à Giovanni que son film n’a ni queue ni tête.

Dans une scène, un jeune acteur du film dans le film s'étonne : « Il y avait des communistes en Italie ? Les communistes ne vivaient pas qu'en Russie ?» 

Nanni Moretti a expliqué lors de la conférence de presse à Cannes que le propos du réalisateur est de défendre ce film qui ne va intéresser personne parce qu'il raconte une histoire que personne ne connaît