Réalisateur et scenario : Ettore Scola

Date : 1974  Italie

Durée : 119 mn

Acteurs principaux :

Nino Manfredi : Antonio, le brancardier

Vittorio Gassmann : Gianni, l’avocat

Stefania Sandrelli : Luciana

Stefano Satta Flores : Nicola, le révolté

Aldo Fabrizi : Romolo, père d’Elide

Giavanna Ralli : Elide

SA

Mots-clés : Fidélité à soi – désillusion – adaptation – amitié - normalisation

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La phrase-clé de ce film de cinéphile est : « Nous voulions changer le monde, mais c’est le monde quoi nous a changés. »

Trois amitiés développées dans la Résistance (eh oui, il y a eu aussi une résistance en Italie), celles d’Antonio, de Gianni, de Nicola, vont se heurter, après les heures intenses du combat clandestin et de la Libération, au décours de la seconde guerre mondiale, au retour à la vie quotidienne, comme civils.

Gianni, rapidement, va tourner casaque, en se laissant épouser, comme avocat, par la fille d’un de ses clients, le peu attractif Romoldo, champion de magouilles qui embrouillent le fisc et justifient ses compétences d’avocat. Antoine va être rétrogradé dans son hôpital d’aide-soignant à brancardier, en raison de sa réputation politique. La démocratie chrétienne est au pouvoir. Nicola par son intransigeance idéologique, va perdre son poste d’enseignant et sa famille pour une errance et des activités de pigiste. Il ne réussira pas à gagner un concours de télévision, malgré ou à cause de sa culture cinématographique.

Que faire de la désillusion ?

L’histoire traite donc des désillusions politiques et du repositionnement de chaque protagoniste.

Comment rester fidèle à ce que l’on a été quand les conditions de vie ordinaires pèsent, à nouveau, de tout leur poids ?

Faut-il, comme Gianni, trahir ses convictions, se mettre au service de l’argent et des facilités qu’il offre, en épousant sans l’aimer une femme digne de considération ?

Faut-il accepter de végéter, comme Antonio, obscur brancardier, accepter sa place en restant fidèle à soi-même ?

Faut-il, par un égocentrisme aveugle, continuer, comme Nicola, d’avoir raison tout seul, en sacrifiant sa famille ?

Des dizaines d’années plus tard, la situation politique conduit la population aux mêmes types de positionnement :

  • la sur-adaptation au détriment de toute éthique,
  • le verbiage des marginalisés en souffrance,
  • une vie terne pour ceux qui acceptent la domination économique et sociale.

Le personnage de Luciana évolue de l’un à l’autre : elle quitte le terne mais sincère et amoureux Antonio pour Gianni, le séducteur. Elle a, un temps, une liaison furtive avec Nicola. Elle retrouve et finit par aimer le plus constant des trois, Antonio.

La scène du début du film se répète à la fin : Luciana, Antonio et Nicola se rendent près de la belle propriété de Gianni. Ils regardent leur ami de l’autre côté du mur d’enceinte. La femme de Gianni s’est suicidée. Il cohabite avec son affreux beau-père. Consolations : il est riche et il peut plonger dans sa piscine.

Cette histoire interroge chacun de nous, si, du moins nos convictions se heurtent à l’implacable domination du Pouvoir de l’argent et des élites à son service. Que faire dans ces conditions ? Les réponses que nous pouvons imaginer et mettre en œuvre sont infiniment plus réjouissantes que celles de ces personnages. L’acceptation des rapports de force n’équivaut pas à une normalisation docile des règles du jeu du monde dans lequel nous vivons, même sous la dictature du numérique et la désinformation permanente. L’usage de l’esprit critique peut nous épargner des écarts de langage et des conduite dérisoires. Il y a place pour des relations vraies, affectives, chaleureuses, fondées sur la liberté, le respect des autres et la joie de vivre. Nous pouvons écarter les trois modèles proposés par Scola.