Réalisation : Olivier Treiner
Scénario : Olivier et Camille Treiner
Date : 2022 F Durée : 120 mn
Acteurs principaux :
Lou de Laâge : Sylvia, l’héroïne
Raphaël Personnaz : Paul, le mari
Isabelle Carré : Anne, la mère
Grégory Gadebois : Pierre, le père
Esther Garrel : Emilie, l’amie
Sébastien Pouderoux : Gabriel
Denis Podalydès : Victor
Aliocha Schneider : Nathan
A/ SA
Mots-clés : hasard – déterminisme – scénario – apolitisme – amour
Le hasard, cette expression des déterminismes ignorés
Le “tourbillon de la vie” renvoie à la célèbre chanson de Jules et Jim (1962), de François Truffaut, chantée par Jeanne-Moreau. Que des personnes puissent se prévaloir d’une « vie tourbillonnante » ne signifie pas que nos existences aient principalement ce caractère et encore moins que nos sociétés post-modernes, numérisées et sécurisées, répondent à cette engageante caractéristique. Nous subissons, pour l’ordinaire, une forme de pression normative qui épuise nos énergies, notre belle humeur, nos attentes et nos initiatives.
Nos vies sont influencées et même bouleversées par des rencontres, des événements imprévus mais également par ce que nous sommes et les actions que nous initions.
Comme l’a distingué Spinoza, l’impression de hasard est une façon de nommer la conjonction de déterminants qui échappent à nos prévisions ou à notre réflexion.
Le fabuleux destin d’Amélie Poulain (2001) qui lança la carrière d’Audrey Tautou mit en histoire la force incertaine du “hasard”. Que l’improbable surgisse du probable montre que le champ des possibles n’est pas aussi réduit qu’il y paraît. Les systèmes totalitaires s’accordent sur leur désir d’éradiquer ou de réduire à néant ce qui pourrait contrarier leurs objectifs de domination et de contrôle. Ils n’aiment pas l’imprévisible, mais ils sont toujours prêts à en faire un bon usage pour préserver leur mainmise.
Le film d’Olivier Treiner ne manque pas d’originalité ni de savoir-faire. Il manifeste que le cinéma français n’est pas mort. Il suscite, indirectement, plusieurs types de commentaires. La trame idéologique de ou plutôt des histoires est que la vie de chacun est le résultat de situations imprévisibles, à partir de rencontres ou d’actes aléatoires qui changent profondément les destins individuels.
Une autre thèse est présentée dans le film par un personnage : celle de l’infaillibilité du calcul des probabilités notamment attribuée à l’intelligence artificielle. Un des personnages du film va choisir de mettre ses compétences de scientifique au service d’une grande banque.
Privilégier les lois du hasard pour expliquer le devenir des humains est intellectuellement attractif. Ce film y parvient à merveille. Il est évident que certaines rencontres sont déterminantes dans une vie pour le meilleur et pour le pire. Il en est de même pour quelques-uns de nos actes, et pas seulement les actes minuscules, comme le met en valeur cet enchevêtrement d’histoire autour de l’héroïne. Si l’on prend l’exemple de la problématique alcoolique, nous voyons bien qu’une série d’actes et une forme de maturation vont déterminer une démarche de soin. Encore faut-il que cette démarche rencontre une méthodologie et une structure adéquates et, là, nous quittons le domaine des destinées individuelles. Le début du film est situé en 1989 lors de la chute du mur de Berlin, ce qui et une façon d’exprimer que les destins individuels sont également lourdement conditionnés par les évolutions géopolitiques, climatiques et autres.
En insistant sur les destinées individuelles et leurs aléas, le film fait abstraction des réalités de tous ordres, mentales, éducatives, sociales, économiques et culturelles, qui pèsent sur les destins collectifs. Le film néglige un phénomène très partagé, celui du regard sélectif. En fonction de ce qu’il est, un individu verra ou ne verra pas un fait, une opportunité. Il validera ce qui confirme ses croyances et justifie ses intérêts…En ce sens, ce film, qui surfe sur le sens commun, peut plaire à tous les publics, du fait de son caractère apolitique. Il sait faire appel à l’émotion, ce qui est une des fonctions majeures du cinéma.