Réalisation : Francesca Comencini

 

Scénario : Francesca Comencini

 

Date : 2024    It, F

 

Durée : 110 mn

Acteurs principaux :

Romana Vergano : Francesca Comencini

Ana Mangiocavallo :Francesca, jeune

Fabrizio Gifuni : Luigi Comencini

A/ SA

 

Mots-clés :  

Père-fille – transmission – réconciliation – toxicomanie - hypermodernité

 primalavita

Luigi, le père, et Francesca, sa fille

 

Francesca Comencini a pris le parti de réaliser un film autobiographique où il est question presque exclusivement de ses relations avec son père. Deux volets relationnels sont abordés. Le premier est le lien que constituait entre eux le cinéma. Une séquence est notamment consacrée à des scènes de tournage du « Pinocchio » de son père. Le second lien correspond à la période de toxicomanie que connut la fille du réalisateur. Comencini avait laissé ses tournages pour emmener avec lui sa fille à Paris, s’enfermer avec elle dans un appartement, avec des intervalles de promenades accompagnées dans des rues de la Capitale, jusqu’à ce que l’emprise de la toxicomanie se dissipe. Comencini, enfant, avait passé plusieurs années dans le Lot-et-Garonne.

Le film donne l’impression d’un huis clos. La mère de la réalisatrice, qui était une noble de haut rang, est absente du film, tout comme la fratrie.

Le spectateur peut relier l’addiction de la jeune fille à son isolement et à l’après-1968, où une fraction de la jeunesse se partageait entre les mouvements gauchistes de la Bande à Bader en Allemagne et les Brigades rouges en Italie. Il est fait référence à l’assassinat par ces derniers d’Aldo Moro, le premier Ministre Démocrate-Chrétien de l’époque. Ce dirigeant souhaitait se rapprocher du parti communiste italien – scandale pour les bien-pensants conservateurs, souvent proches de la Mafia, et pour les gauchistes petits-bourgeois qui commençaient à s’enflammer pour le petit livre rouge de Mao. Le Parti Communiste italien avait eu le tort de rompre avec la tutelle des Soviétiques du temps de Brejnev, après l’attitude des russes lors du Printemps de Prague, et de répondre à l’intérêt général du peuple italien, encore riche de ses ouvriers et de ses paysans. Comme c’est souvent le cas, les gauchistes firent leur part de travail pour les Nord-américains. Mario Soares au Portugal assura, par son passage au pouvoir, la liquidation de la Révolution des œillets. Pinochet se chargea de réduire à néant et dans le sang un socialisme national hostile aux trusts nord-américains au Chili. Les généraux locaux firent le même travail en Argentine pour les mêmes motifs. Les Français furent priés de se replier sur l’hexagone et de participer à la mise en forme institutionnelle d’un espace européen sans frontière, au sud et à l’ouest, avec le brillant résultat que nous vivons aujourd’hui.

L’amour du père pour sa fille et de la fille pour son père est évident tout au long de cette histoire où deux solitudes semblent se juxtaposer.

Comencini est, pour moi, une référence du cinéma italien, au même titre que Nanni Moretti. Je me sens italien quand je vois la plupart de leurs films. Comencini ne s’est jamais enfermé dans un registre ni un courant. Il illustre, par ses œuvres, la pluralité de personnalités chères à Pierre Bayard : des films bons-enfants, reflet du peuple des campagnes, avec Vittorio de Sica et Gina Lollobrigida, Les « Pain, amour et… », des films d’une grande finesse sur l’enfance comme L’incompris ou Pinocchio, des histoires plutôt lestes et critiques comme Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas, ou féroces comme L’argent de la vieille. Comencini ne tombait jamais dans l’outrance ou la vulgarité. Son humour et l’indulgente tendresse qu’il portait à ses personnages nous faisaient passer de très bons moments de cinéma.