Réalisation : Franck Capra

Scénario : Myles Connoly et Antony Veiller

Date : 1948 / USA

Durée : 124mn

Acteurs principaux :

Spencer Tracy (Grant Mathews),Katharine Hepburn (Mary Mathews),Van Johnson (Spike Mc Manus),Angela Lansbury (Kay Thorndyke),Adolphe Menjou (Jim Conover)

SA/A/HA

Mots-clés : Politique - Couple – Medias – Convictions - Emprise

 

 

L’histoire commence par un suicide, celui du propriétaire d’un journal influent, Sam Thorndyke. Il en finit ainsi avec son cancer. Il a transmis le pouvoir à sa fille Kay,  dont la sécheresse de cœur dépasse la sienne. Cependant, Kay a développé une liaison avec Grant Matthews, un self-made-man devenu grand patron de l’industrie aéronautique. Elle ambitionne d’en faire le prochain président des Etats-Unis, espérant en devenir l’éminence grise, tout en relançant le journal… Le détail est que Grant est marié à Mary. Or un candidat à la Présidence des Etats-Unis doit disposer de la présence souriante et enthousiaste de son épouse, sans parler d’une progéniture décorative…

Comment concrétiser ses convictions ?

The State of Union est réalisé et coproduit par Capra, qui se libérait de sa longue collaboration avec la Columbia. Le film évoque fortement un de ses grands succès, Monsieur Smith au Sénat, de 1939. Comme celui-ci, il s’inscrit dans la veine de la critique des mœurs politiques. Il est construit de la même façon, avec une tonalité plus pessimiste et, tout de même, une double « heureuse fin » puisque Grant retrouve la proximité affective de sa femme, en même temps qu’il renoue avec ses convictions, mises entre parenthèses pour être désigné par les grands électeurs, sous l’influence de Kay et d’un Directoire politique restreint.

Il convient de relever que ces films de Capra s’inscrivent dans une activité politique brûlante. State of the Union, présenté avant sa diffusion publique, au Président Truman aurait incité ce dernier à se représenter !

Dans le contexte de l’époque, toute prise de position critique demandait du courage. Elle était assurée de rencontrer l’hostilité de la part des Pouvoirs établis et des lobbies. Capra fut ainsi suspecté de sympathie procommuniste, alors qu’il fut l’auteur de films de propagande réussis tout au long de la seconde guerre mondiale !

La contradiction existe entre la fin et les moyens. En est-il différemment de nos jours ?

À côté de bons et rares documentaires politiques ou sociaux dont la diffusion est réservée aux salles de connaisseurs, d’assez nombreuses œuvres ont eu un impact plus large par la nature des problèmes mis en valeur, notamment ceux relatifs à l’emploi ou à l’écologie. Les solutions proposées restent au mieux du domaine du reportage. Ce genre reste descriptif comme d’ailleurs la littérature spécialisée, qu’elle soit psychosociologique ou clinique. La séparation des genres est une garantie de tranquillité et d’immobilisme, tout comme la faible audience des lecteurs. Une de nos patientes spécialisées en recherche écologique avait fini par démissionner en prenant conscience de la confidentialité de ses travaux et du fonctionnement en circuit fermé de son milieu élitiste. Il en avait résulté une dépression sévère.

Nous retiendrons de cette histoire qu’il est indispensable lorsqu’on se hasarde à des prises de position publiques, susceptibles de déranger l’ordre établi, de ne trahir ni ses convictions ni les liens affectifs qui les font vivre. Il n’est jamais évident de rester ou devenir soi-même, en passant du domaine privé au domaine public.

La pratique psy-alcoologique, largement marginalisée par les normes et les vides juridiques est là pour l’illustrer. Le film montre que la Démocratie politique est une fiction, instrumentalisée par des cyniques.

Nous retiendrons l’énergie vitale du héros, porté par la présence rayonnante et opiniâtre de son épouse, magistralement incarnée par Katharine Hepburn. Quelques verres d’alcool l’aideront à faire exploser l’imposture de la conférence de presse télévisée et à ramener son époux sur la voie de l’authenticité.

Comme pour nombre des comédies américaines de l’époque, les répliques de la version sous-titrée contribuent à l’intérêt de la découverte.

Au hasard, quelques unes d’entre elles :

Mary : Je suis une invitée peu coûteuse. Je ne bois pas.

Donover, le politicien : Je suis un homme nouveau à qui je vais servir un verre. Une petite coupe de champagne ?

Mary : Non, le résultat serait catastrophique.

Plus tard, Mary : Je me suis contaminée avec des Martinis. Je l’ai flanquée dehors (elle parle de Kay, l’intrigante) comme une vraie poissonnière. La faute aux Martinis.

Plus tard encore : Séduire une femme comme Kay se fait en trois étapes : d’abord, on la suit des yeux, puis à pied, puis à genoux.

Je ne sais pas à quelle étape Grant en est. Cela peut évoquer la relation à l’alcool : la rencontre attirante, l’accoutumance qui s’installe, la dépendance qui asservit.

 

 

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