Réalisation et scénario : Asghar Farhadi

Date : 2018 / Espagne, France, Italie

Durée : 130 mn

Acteurs principaux :

Penelope Cruz : Laura

Javier Bardem : Paco

Ricardo Darin : Alejandro

Bárbara Lennie : Bea

Elvira Minguez : Irene

A/SA/HA

Mots clés : Famille – secret – alcoolique – passé - rapt

Alejandro, alias Ricardo Darin, est l’époux argentin de Laura, jouée par Penelope Cruz, revenue au pays, à l’occasion du mariage d’une de ses sœurs. Depuis 16 ans, confiera-t-il, à Paco, le premier amoureux de Laura, il n’a pas touché à une goutte d’alcool. Il était alors en pleine dérive. Le ressort de sa motivation ? Au retour d’une visite dans le village espagnol de ses origines, Laura lui avait appris qu’elle était enceinte de Paco. Ce dernier avait eu l’initiative de la raccompagner à l’aéroport et la flamme n’était pas éteinte… Alejandro avait alors choisi de garder sa femme et l’enfant à naitre, alors que Laura était prête à avorter. Alejandro savait. Il avait fondé son abstinence sur ce choix partagé, considérant que la petite Iréné  ̶  cadeau de Dieu, selon lui – serait le socle d’une nouvelle vie. Il était ainsi devenu père d’une fille qui n’était pas de lui. Il avait manqué le second voyage pour des raisons économiques, ne parvenant pas à sortir d’une longue période de chômage.

Le mariage fera découvrir la jeune Iréné, insouciante et joyeuse malgré une maladie respiratoire exigeant des médicaments, ce que tout le monde savait, et que tout le monde taisait.

Tenir la distance, parler

Nul ne peut savoir quelles seront les suites au moment du générique de fin. Au vu de l’évolution des personnages et des dialogues, on peut penser qu’Alejandro tiendra la distance, tout comme son couple. Désormais, il peut tout affronter. Tenir la distance, tout est là en alcoologie mais aussi dans la vie d’un couple.

Voilà pour la composante alcoologique de cette histoire. Bien d’autres aspects du récit se retrouvent dans les problématiques des personnes alcooliques. Le film expose remarquablement la diversité des conflits, des secrets et de l’amour au sein d’une famille pluri-générationnelle. S’ajoutent la jalousie, l’envie, les petits calculs, les regrets et les rancunes, les erreurs d’interprétation. Se retrouvent aussi la sincérité, la force et la durée des sentiments, le pouvoir de la parole et de l’humilité, la franchise et la dignité, la joie de vivre et la générosité. Nous ne sommes pas confrontés à une caricature des relations humaines à la façon des contes de fée ou, inversement, des romans noirs, en dépit de la violence rattachée au rapt crapuleux de la jeune fille, et des souffrances insupportables qui en résultent. L’amour maternel prend une dimension dramatique, alors qu’à l’origine ce qui est appelé instinct maternel n’existait pas chez Laura. Les différents personnages sont aimables, en dépit de leurs imperfections respectives. Seuls les kidnappeurs pourraient susciter du mépris, mais il est vrai qu’ils sont les seuls à préférer l’argent au point de se servir de l’amour comme moyen de chantage.

Une belle histoire, donc, qui rend admirablement l’atmosphère de l’Espagne rurale. Elle se distingue des productions qui font la part belle aux stéréotypes et aux effets spéciaux. Le film a l’intensité et les caractéristiques d’un « policier » et pourtant il ne ressemble en rien aux thrillers nord-américains. La dynamique dramatique déterminée par le rapt en cache une autre, celle rattachée aux liens amoureux. Douleur et amour sont indissociables, en raison même des séparations et des autres épreuves de la vie.