Réalisation : Stéphane Brizé

Scénario de Stéphane Brizé et de Florence Vignon, d’après le roman éponyme d’Eric Holder.

Date : 2009 / France

Durée : 101mn

Acteurs principaux :

Sandrine Kiberlain : Véronique Chambon

Vincent Lindon : Jean

Aure Atika : la femme de Jean

Jean-Marc Thibaut : le père

Arthur Le Houérou : Jérémy, le fils de Jean et d’Anne-Marie

 SA/HA

Mots clés : affinité – disponibilité – responsabilités – solitude - musique

 

A priori, c’est une histoire minimaliste que nous raconte Stéphane Brizé : une petite ville de province du Sud-est, un ouvrier-maçon et sa famille, une institutrice célibataire, des affinités qui se créent entre ces deux êtres, le désir partagé de partir ensemble pour un ailleurs, l’acceptation du poids des réalités.

Le réalisateur part de cette histoire banale pour nous interroger, implicitement, sur des questions qu’il nous revient de dégager.

 

Les affinités et les contingences

Plusieurs thématiques peuvent surgir de la découverte de ce film. En voici quelques unes.

  • L’étrange question des affinités électives 

La société, par ses codes, crée les conditions des choix amoureux. En opposition, des affinités électives se font jour. Elles aboutissent à des rapprochements improbables, à des rencontres et à des unions qui n’auraient pas lieu d’être, si l’on s’en tenait au respect des règles sociales. Celles-ci privilégient la constitution de couples répondant à des caractéristiques sociales, culturelles, identitaires semblables ou compatibles, sans même évoquer les différences d’âge. Les affinités électives semblent faire écho à des appartenances plus anciennes, à des critères de choix échappant à ceux habituellement déterminants. Elles peuvent se faire jour alors que rien ne rapproche les êtres qui vont rencontrer chez l’autre des correspondances profondes et harmonieuses entre ce qui leur est commun et ce qu’ils ont de complémentaire, l’un pour l’autre. Il semble que les affinités électives soient d’autant plus fortement ressenties que l’environnement n’est pas favorable à leur éclosion.

  • La question de la disponibilité

Pour des individus centrés sur eux mêmes et préoccupés de plaisir immédiat et renouvelable, la disponibilité est permanente. L’occasion fait le larron. C’est la situation contraire que connait notre héros. Il a charge d’épouse et d’enfant. De surcroit, il a à cœur de s’occuper quotidiennement de son vieux père, alors même qu’il a frères et sœurs. C’est la conscience de ses responsabilités qui le fait rester dans le couloir de la gare alors que mademoiselle Chambon l’attend sur le quai, face au train qui va l’éloigner pour toujours. C’est la principale différente de statut entre eux : elle est disponible, lui ne l’est pas.

  • Le rôle de la musique

Mademoiselle Chambon joue du violon et c’est la musique qui naît de son instrument qui ouvre son cœur et celui de Jean, révèlant leur solitude et leur besoin de complétude.

  • L’usure du quotidien

Jean, comme l’institutrice, son épouse, son père et chacun d’entre nous, subit les contraintes du quotidien, avec l’effet d’usure des actes nécessaires, sans cesse répétés. Avec son épouse, Jean est dans une configuration simple. Avec Véronique, c’est l’ébauche d’une relation à deux. L’ensemble des protagonistes semble avoir renoncé à ‘‘enchanter’’ son quotidien en sachant tirer profit des imprévus mais aussi en faisant lien pour d’autres objectifs que la satisfaction des besoins ou la réussite sociale.

  • En filigrane, la femme d’aujourd’hui

L’accès au salariat a ajouté une fonction à celles assurées par les femmes. L’indépendance et ce qu’elle a d’attirant chez Véronique Chambon sont liées au fait qu’elle n’a pas d’enfant, de conjoint et de biens matériels. L’épouse, elle, doit tout assumer.

  • Les valeurs traditionnelles comme étayage

Le besoin d’évasion et d’embellies n’est pas contradictoire, comme facteurs d’équilibre, avec des valeurs traditionnelles telles que le travail bien fait, le respect de l’autre, le spectacle gratuit de la nature, l’accomplissement de ses devoirs sociaux, y compris les moins reconnus. Le lavage quotidien des pieds du vieux père par son fils, suscite une réminiscence évangélique. Ce moment d’affection, manuellement exprimé est une façon discrète d’honorer son père. En contraste, la fête familiale embarrassée de conventions pour les 80 ans du même père suscite de l’ennui. Contraste caractéristique de notre modernité : le passage à la société privée de Pompes funébres pour régler les détails de la « prévoyance obsèques » de l’aïeul. C’est l’intéressé lui-même qui choisit son cercueil et les détails se rapportant à ces derniers événements. Cette séquence n’est pas fortuite dans le récit. Elle montre que la répétition des jours s’inscrit dans le remplacement d’une génération par la suivante.

Une histoire simple donc, qui peut faire réfléchir celles et ceux qui sont dans la routine et le « chacun pour soi », qui ne savent pas enchaner leur quotidien à partir de détails ou en se ralliant à des projets socialement utiles.