Titre original :  Eine deutsche kindergeschichte

Réalisation et scénario : Michael Haneke

Date: 2009/ Autriche, Allemagne, France, Italie

Durée:144 mn

Acteurs principaux :

Christian Friedel : l’instituteur

Brughart Klauβner : le pasteur

Ulrich Tukur : le baron

Rainer Bock : le médecin

Suzanne Lothar : la sage-femme

Léonie Benesch : Eva, la promise

Roxane Duran : la fille du médecin

Martin : le fils du pasteur

 

SA

Mots-clés : Puritanisme – Autorité – dissimulations – violences – adolescence

 

    Le sous-titre – une histoire allemande d’enfants – est plus parlant encore que le titre – le ruban- qui fait allusion à la pureté charnelle qui devait impérativement caractériser l’enfance dans la culture de l’époque. L’action se situe à la veille de la guerre de 14-18, dans un village marqué par l’orthodoxie luthérienne, au sein d’une société dominée par une aristocratie rurale, confortée par le pouvoir religieux. Le narrateur – auquel Jean-Louis Trintignant donne sa voix dans la version française – était l’instituteur du village au moment des faits. L’histoire commence par une tentative de meurtre ratée sur la personne du médecin : un filin invisible a été tendu entre deux arbres qui marque le passage du praticien au retour d’une sortie à cheval habituelle, à la tombée de la nuit. D’autres épisodes du même ordre surviennent. Une paysanne meurt par l’effet d’un plancher pourri. L’enfant du baron est retrouvé ligoté. Il a été battu comme plâtre. Plus tard, l’innocent du village, le fils de la sage-femme, est retrouvé les yeux brûlés… Une fillette prétend avoir eu des rêves prémonitoires de ces actes de barbarie… Un monde cruel, violent, incestueux se découvre peu à peu… Les soupçons finissent par se porter sur les adolescents. La déclaration de guerre  conclut l’histoire avant son dénouement.

 L’autorité arbitraire et la violence réactionnelle

 Cette réalisation en noir et blanc crée une ambiance particulière qui évoque, entre autres, celle des films de Bergman et de Bunuel. La fée Electricité ne s’est pas encore manifestée. L’obscurité des maisons contraste avec la lumière des champs recouverts par le blé ou la neige, ou encore la fraicheur poissonneuse des rivières. L’intérêt du film est de mettre en valeur les phénomènes d’adaptation des adolescents du village face à la chape comportementale, au désert affectif imposés par les adultes. La violence des stratifications sociales est confortée par la violence qui soumet, jusqu’à l’insupportable, les femmes et les enfants au pouvoir discrétionnaire des figures d’autorité que sont le Baron, le Pasteur, le Médecin. La morale disciplinaire imposée aux adolescents ne fait que souligner la force des distorsions mentales et de la perversion des adultes, celles des hommes particulièrement, protégée par l’acquiescement silencieux des femmes. Seule la baronne manifeste, à la fin, l’inhumanité de ce milieu où des enfants peuvent subir les pires violences par d’autres enfants, éduqués à la violence. L’instituteur narrateur reste extérieur à ce monde où la bienveillance, la sensualité et l’amour semblent frappés d’interdits. Comme chacun sait, la violence finit par engendrer la violence. C’est elle qui dirige la dynamique de l’histoire, avec la force des dissimulations, jusqu’au basculement dans la « Grande guerre ».

L’enjeu pour aujourd’hui consisterait à analyser les formes prises par la violence symbolique, organisationnelle et physique alors que les rappports sociaux entre les hommes, les femmes et les enfants se sont assez profondément modifiés.

Le film pose la question de l’autorité légitime. Au nom de quoi la fonder ? Comment la faire vivre pour répondre aux violences d’aujourd’hui ?