Réalisation, scénario : Alice Rorhwacher

Date :2018 / Italie

Durée :127mn

Acteurs principaux :

Adriano Tardiolo : Lazzaro

Agnese Graziani : Antonia, jeune

Alba Rorhwacher : Antonia, adulte

 Luca Chikovani : Tancredi jeune

Tommaso Ragno : Tancredi adulte

Nicoletta Braschi : La marquise de Luna

Sergi Lopez : le compagnon  d’Antonia      

SA/ HA

Mots-clés : Innocence – bonté – grâce – exploitation – non-violence  - harcèlement

 

 

L’histoire se déroule en deux séquences. La première a pour cadre un hameau perdu, hors du temps, dans la campagne italienne. La seconde se déroule en ville. Les paysans longtemps maintenus à l’état de servage par l’excentrique marquise de Luna sont devenus des zonards urbains, après leur ‘‘émancipation’’ initiée par les forces de l’ordre.

Un jeune paysan, Lazzaro traverse cette séquence de temps, sans prendre une ride, identique à lui-même. Ses yeux bleus, observateurs et étonnés, éclairent un visage d’une imperturbable douceur. Son corps est celui d’un paysan, déjà un peu lourd mais robuste. Lazzaro est taillable et corvéable à merci. Il ne proteste jamais. Il obéit toujours. Il semble insensible aux humiliations, aux injustices dont il fait l’objet. Son innocence le protège. Il se lie d’amitié avec son opposé, Tancredi, le fils de la marquise, exaspéré de devoir cohabiter, même de loin, avec ces rustres. Ce jeune homme aux allures de drogué anorexique, déteste sa mère dont il connaît l’absence de tout scrupule et le cynisme, aux couleurs de la religion catholique…

 Les béatitudes selon Lazzaro : la non-violence et la grâce

 La prestation d’Adriano Tardiolo est bouleversante en ce qu’elle nous touche au plus enfoui de notre sensibilité, si malmenée par les règles du jeu de l’hypermodernité. Pour survivre et vivre, nous avons été contraints d’enfouir la grâce et l’innocence de l’enfance. Lazzaro nous invite à ne pas oublier les principes de la non-violence évangélique, celle de Saint-François. Le loup de cette fable poétique ne s’y trompe pas. Et nous, pas davantage.

Le film est particulièrement recommandé aux dévots, aux agressifs, aux conformes, aux réalistes, aux esprits forts, aux pervers, aux nombrilistes,  aux élites argentées, aux décervelés qui fonctionnent selon la loi des Séries et des jeux, aux amateurs d’effets spéciaux, à ceux qui ne comprennent pas ce que spiritualité veut dire mais qui, parfois, emploient le mot à tort et à travers. L’essentiel, ne serait-ce que sous la forme de salades poussant près des voies ferrées, est invisible pour leurs yeux. La fable n’est pas sans laisser transparaître une ironie froide : un saint a pour caractéristique d’être méconnu, ignoré, rejeté et massacré par ceux qui se réclament de la religion établie. La justice divine a pris le masque de la Banque pour ruiner la marquise et ses descendants. Le progrès social a consisté à faire passer les paysans de serfs à la condition de marginaux urbains

Le spectateur s’amusera de retrouver Nicoletta Braschi, épouse de Roberto Benigni (La vie est belle), cachée par ses lunettes fumées de marquise autoritaire, néanmoins catéchiste pour enseigner la soumission aux enfants des paysans incultes.

Il n’aura échappé à personne que Lazzaro est le ressuscité de l’Évangile de Saint-Jean (chapitre 11).

Précision : Adriano Tardiolo n’est pas un acteur professionnel. La réalisatrice l’a repéré alors qu’il était étudiant géomètre !