Etienne Klein

Gallimard, Tracts, n°17 2020

3€90, 55 pages

 

 

Etienne Klein est un philosophe des sciences et un directeur de recherche au Commissariat à l’énergie atomique. Nous poursuivons avec lui notre promenade à la recherche de l’intelligence française.

  1. Comme un trouble dans les esprits

Nous sommes ainsi faits que nous accordons « davantage de crédit aux thèses qui nous plaisent qu’à celles qui nous déplaisent ».

Nous avons un fâcheux penchant « à croire qu’une chose est vraie pour l’unique raison que nous l’avons lue ou entendue ».

Nous avons pris l’habitude de « parler avec assurance de sujets que l’on ne connaît pas ».

Il nous déplaît d’appliquer notre esprit critique à ce que nous percevons comme des évidences.

  1. L’autopromotion de l’inculture

Il y un monde entre l’aspiration à être un « puits de sciences » et la sacralisation de l’ignorance au nom du sens commun déguisé en bon sens. J’ajoute qu’un scientifique peut basculer dans le sens commun dès qu’il s’éloigne de son champ de compétences, s’il n’est pas animé d’un esprit critique proprement scientifique.

  1. Distinguer entre le savoir et le non-savoir

Comme tout un chacun, les scientifiques peuvent se tromper, subir l’influence des idéologies et des lobbys, parfois même tricher, de sorte que leurs déclarations quant à la vérité de tel ou tel résultat ne sauraient être prises pour argent comptant. Les sciences diffèrent entre elles, par leurs objets, leurs moyens, leurs méthodologies. »

  1. L’effet Dunning-Kruger

Ces deux américains ont promu un plaisant paradoxe : pour évaluer notre incompétence, nous avons besoin d’un minimum de compétence (critique) : « l’ignorance rend plus sûr de soi que la connaissance ». C’est ce que nous pourrions appeler l’ironie de la science.

  1. Quand l’idée d’avenir s’assombrit

Une citation de Jean-Pierre Dupuy « C’est parce que la catastrophe constitue un destin détestable qu’il faut garder les yeux fixés sur elle, sans jamais la perdre de vue ». Dès 1972, le rapport « Meadows », « sur la base de corrélation calculées » soulignait la prévisibilité d’un avenir problématique, d’un « effondrement ». L’auteur cite Nietzsche : « Le goût du vrai va disparaître au fur et à mesure qu’il garantira moins de plaisir ; l’illusion, l’erreur, la chimère vont reconquérir pas à pas, parce qu’il s’y attache de plaisir, le terrain qu’elles tenaient autrefois : la ruine des sciences, la rechute dans la barbarie en seront la conséquence immédiate ; l’humanité devra se remettre à tisser sa toile après l’avoir - telle Pénélope -, défaite pendant la nuit. Mais qui nous garantira qu’elle en retrouvera toujours la force ?».

  1. Conspiration en plein jour

Une référence à Orwell s’impose : « Le réel est sommé de se taire. Seul importe de maintenir la croyance objective dans la fable officielle. La notion d’information objective perd évidemment tout sens ».

  1. De la joie de comprendre

Comprendre et créer se renforcent mutuellement.

  1. République et connaissances

Bergson appelait à la politesse de l’esprit, cette « souplesse intellectuelle qui rapprochent les hommes. La République doit autoriser l’affranchissement des intelligences et un partage de la considération. « Les formes modernes de la communication se transforment en une vaste polyphonie de l’insignifiance ». « Tout travail de discernement, de clarification, de transmission de ce qui est complexe, relève quasiment de l’héroïsme ».

Ainsi de suite. Nous en avons assez dit pour inciter à lire cet édifiant opuscule.