Des scandales aux réformes

 

Mgr Pascal Wintzer

Tracts n°47

Gallimard

3€90, 60 pages

abussexueleseglisecatholique

Pascal Wintzer, évêque de Poitiers, se risque à un exercice difficile : dénoncer l’omerta de l’Eglise catholique en matière d’abus de faiblesse, c’est-à-dire de viols d’enfants perpétrés par des membres du Clergé catholique.

C’est un homme cultivé et assurément de bonne volonté qui s’exprime dans ce Tract un peu plus long que la moyenne. Je pense cependant qu’il ne va pas au fond des choses.

Le fond du problème pour l’Eglise, comme pour toutes les religions est de devoir leur survie au déni du réel. Toute église est une construction sociale.

Que cela plaise ou non, la connaissance scientifique a détruit les bases des religions « révélées » :

  • L’humain appartient à l’espèce animale. Les capacités cognitives qu’il s’accorde ne l’autorise nullement à faire ce qu’il veut du monde dans lequel il vit, des autres habitants et de lui-même, individuellement et collectivement. Il a besoin de morale pour faire société et d’éthique pour justifier sa qualité d’homme. L’éthique repose sur l’esprit critique et sur les connaissances disponibles. Elle est philosophique.
  • L’humain existe sur la planète Terre mais celle-ci n’existe pas spécialement pour lui, pas plus que le Cosmos n’existe pour la planète Terre.

Ce qui assure la force et la pérennité des religions, productions purement humaines, n’est nullement à écarter dès lors qu’elles font une juste place aux besoins fondamentaux de l’espèce humaine. Ces besoins sont d’aimer et d’être aimé, de trouver et donner sens à sa vie.

Le reste est accessoire. Toute transmission temporelle et transgénérationnelle a besoin d’un Clergé. Le Clergé est fait d’humains qui doivent satisfaire leurs besoins fondamentaux et tout adulte peut en faire partie. Des responsabilités liées à l’éducation religieuse et à la transmission de la Parole sont parfaitement compatibles avec le mariage et la condition féminine. Il est honteux d’avoir à rappeler ces évidences. Nul besoin de recourir à l’écriture pénitentiaire pour ces constats.

La Foi est aussi irrationnelle et nécessaire que l’amour. Pour cette raison, la Foi doit être respectée. Elle permet l’élan vers l’autre et le désintéressement, comme l’amour y parvient.

Il en est de l’identité comme du goût. Les différences se respectent.

Il existe schématiquement deux types d’identités : la fermée et l’ouverte, l’exclusive et l’universelle. Elles ne s’excluent pas et chacun doit en comprendre les limites respectives. Être supporter d’une équipe ou membre d’une famille ne doit pas conduire à se dispenser d’autocritique et à ne pas reconnaître chez d’autres que soi des qualités louables, difficiles à mettre en œuvre chez soi. Tout croyant doit intégrer un devoir d’incroyance. Tout incroyant doit admettre la nécessité de croyances.

L’homme d’Eglise doit clairement assumer le fait que la seule grille de lecture religieuse ne fournit qu’un éclairage partiel de la réalité humaine. Les malvoyants que nous sommes ont besoin des différentes grilles de lecture de la réalité qui se sont dégagées au fil du temps pour limiter leurs erreurs et leurs fourvoiements.

Les abus sexuels dans l’Église ? À sanctionner comme tous les abus de faiblesse et les viols par les Tribunaux de la République.

Il y a des accents de sincérité touchants dans le texte de l’évêque, notamment quand il exprime sa souffrance de devoir négliger son « cœur de métier », la transmission de la Parole, pour des tâches administratives. Il donne ce qui semble être une bonne référence livresque : Redonner du sens au travail. Une aspiration révolutionnaire. De Thomas Coutrot et Coralie Pérez. Seuil, 2022.