Octave Mirbeau

LES MÉMOIRES

DE MON AMI

Les éditions de l’arbre vengeur

8€

octavemirbeau

 

L’AREA n’avait encore jamais rédigé de fiches présentant un ouvrage d’Octave Mirbeau, journaliste et romancier de sensibilité rebelle. Nous n’aurons pas l’impudeur de résumer ici sa biographie, que tout individu en disposant peut consulter sur Internet. Il a occupé la position d’un écrivain critique, dénonciateur des innombrables impostures de son temps et, par anticipation, du nôtre.

Pour qui n’est pas habitué à son style, « Les mémoires d’un ami », qui ont l’épaisseur d’une nouvelle, la surprise sera conséquente. L’ami déclaré d’Octave Mirbeau est un anti-héros type : caissier obscur, haïssant son travail de guichetier, cohabitant avec une épouse acariâtre, devant sa survie mentale à son imagination et à sa capacité de s’abstraire mentalement de son environnement.

Phrases extraites

P13. « Aujourd’hui, je me suis regardé, par hasard, dans une glace… Parmi tous les spectacles, le spectacle de ma propre personne est celui qui me dégoûte le plus. Ah ! le pauvre visage ! …Et qu’il me désole l…

« Par exemple, les yeux sont morts, aucune lueur ne brille… mes doigts ressemblent à des griffes, à des serres d’oiseaux de proie. Et j’ai la face méfiante, le dos courbé, l’allure à la fois indolente et crispée d’un caissier ! ».

Il décrit alors les clients. P15 « Par le rectangle grillagé d’un guichet, j’ai vu se succéder les mêmes figures arides, les mêmes figures grimaçantes… Ah ! toutes leurs mains, ah, l’horreur de toutes leurs mains sur les petites tablettes des guichets !

P17 : « Je suis semblable à ce bout de terre ingrate et stérile, où pas un brin d’herbe, pas une fleur ne pousse.

P19 : Provincial, il épouse la fille unique d’amis de ses parents, des petits commerçants parisiens… « par cette incapacité absolue où je suis de dire : non ! »

P43 : J’étais parvenu très vite (il évoque sa femme) à m’abstraire, non seulement de sa présence morale, mais encore – et c’était l’important – de sa présence matérielle. (A l’exemple des) gens qui habitent près d’une gare s’accoutument rapidement à ne plus entendre les sifflets et les roulements des trains ».

P43 : Je m’étalais sur l’unique fauteuil et, les bras sur les accoudoirs, les jambes écartées, les yeux fixés au plafond, je pensais ».

Les pages se lisent et se tournent agréablement, permettant de visiter l’enfance de « l’ami », son arrivée à Paris et sa découverte d’une cellule de prison, comme suspect provisoire, à la suite de l’assassinat d’une vieille dame, sa voisine de palier.

Derrière la peinture féroce et amère – « je n’ai pas vieilli, étant né vieux » (P99) – , l’humaniste se trahit, moins mélodramatique que Victor Hugo, mais finalement plus convainquant.

P149, ces propos que pourraient faire leurs, certains personnages en vue : « Il n’est de pauvres que ceux qui veulent l’être, que ceux qui, malgré nous, s’obstinent à l’être ».

Un petit livre revigorant !