28 février 2022

Nous sommes encerclés par les codes : culturels, sociaux et numériques. Les codes sociaux sont de tous les temps. Ils réglementent de façon comportementale et les relations humaines. La convivialité a ses codes, la fête également. Les hiérarchies sociales prennent corps dans des codes. Pierre Bourdieu nous a particulièrement éclairé sur ce point, avec d’autres auteurs tels que Dany-Robert Dufour. Le premier a insisté sur la course à la distinction : l’inférieur voulant ressembler au supérieur, ce dernier s’employant à maintenir ou recréer la distance par tous les moyens. Le film récent « Illusion perdues », d’après l’œuvre de Balzac l’illustre parfaitement. Les égo-grégaires, dans leur quête de singularité par mise en conformité aux nouvelles normes donnent un bel exemple d’identité par la norme. La liberté de chacun reposerait-elle sur le choix des codes ? Ainsi, le jeunisme est une idéologie répandue. Il est interdit de vieillir, ce qui, au fond, convient bien aux personnalités immatures.

Un problème propre à notre modernité tardive se situe dans le développement exclusif des codes numériques. La relation à l’autre est désormais systématiquement entravée par les codes d’accès. Il en résulte une perte de temps et une permanence de contretemps qui perturbent les relations. L’accès aux services publics relève de l’exploit sportif. Il est difficile d’entrer en communication avec des personnes inconnues. L’habitude déplorable de communiquer à tout propos et pour rien aboutit au paradoxe que chacun se préserve de l’autre. L’existence des codes n’arrête pas les malhonnêtes. Bien au contraire, ce sont eux qui détournent et exploitent les codes numériques. La méfiance s’accroît.

La problématique alcoolique elle-même doit affronter toutes sortes de codes y compris des stéréotypes sociaux concernant le buveur ou le sujet abstinent.

Comment gagnez-vous en liberté malgré l’omniprésence de ces codes ?

À titre préventif, pouvez-vous indiquer des mésaventures induites par l’usage ou le détournement de codes ?

Quelles réponses alternatives pouvons-nous proposer à la dictature des codes ? (mf)

 

Courrier introductif (Une patiente)

« Aujourd'hui, j’ai fait une toile   j’avais besoin d’exprimer ce quelque chose en moi, cet écho de quelque chose qui vient de l’extérieur. Ma toile est le reflet d’un instant, de l’impact de l’extérieur. Il me faut laisser sécher la peinture. Demain, naîtra une nouvelle toile, dans la rencontre sensible entre ce qui vient du dehors et de ce que je ressens du dedans. Mieux faire une autre toile que peindre sur ce qui existe déjà. Je n’ai pas à effacer

L’alcool et les autres molécules, le numérique, le principe de précaution… L’isolement, dont personne ne parle... Le handicap corporel, les sourds-muets, les aveugles, les boiteux et les paralytiques… Les pauvres et leur honte…Le naufrage de l’esprit critique… L’étouffement des cris…

Les codes sont des cordes qui ligotent. Ils sont aussi évidents que le nez au milieu du visage.

L’isolement vécu depuis 2 ans a des conséquences sur la psyché des enfants et la nôtre.

Je suis triste et inquiète de constater l’emprise acceptée, le silence hallucinant des bavards. Faute de mettre en mots, je peints. Je crie, comme le personnage du tableau de Much »

Codes et dissonances cognitives

Notre période actuelle est riche en dissonances cognitives.

Un ancien patient utilise le métro. Il est alcoolisé. Un contrôle de police survient. Il répond à la première sollicitation d’un policier : il montre son passe sanitaire. Il lui est alors demandé une pièce d’identité. Là, il perd son sang-froid. Il tient des propos désobligeants pour le président de république et pour le policier. Il n’est pas interrogé au commissariat car son état alcoolisé est considéré par la loi contre un empêchement à ce type d’échange. En revanche, les mots déplacés sont considérés comme « outrage à magistrat ». Le policier demande une réparation de 800€. Il en obtient 400. Accessoirement, le patient a un cancer du foie. Il s’occupe de sa mère qui a une maladie d’Alzheimer et il s’était querellé avec son amie (probablement à cause de l’alcool). Quelques jours plus tôt, la France libérale-libertaire a pu se réjouir : l’avocat de Charlie Hebdo a reçu un prix littéraire pour son bouquin plaidant pour le blasphème (Le droit d’emmerder Dieu, nous en avons fait une fiche). Moralité : Nous pouvons emmerder Dieu mais pas la Maréchaussée.