7 mars 2022

 

La proposition de ce thème parait particulièrement heureuse pour nous faire réfléchir au décalage entre « l’image que je donne et ce que je suis », avant, au cours d’une semaine d’hospitalisation brève et par la suite.

 

« L’image que je donne quand j’ai bu est en ma défaveur.

L’image que je donne quand je n’ai pas vu peut se révéler trompeuse et me tromper moi-même.

En effet, je suis double. Quand je bois j’exprime, malgré tout, des aspects de moi-même, ne serait-ce qu’une forme de souffrance et de désarroi. Inversement, quand je n’ai pas bu, je peux faire illusion, surtout si je bénéficie d’un contexte favorable, en étant protégé(e) de ma part sombre, de mes peurs, de mes obsessions, de mes représentations erronées du réel.  Au fond, qui suis-je ? »

L’enjeu du soin, par le choix d’une sobriété de durée indéterminée, le reste de la vie pour les plus sages, et par l’effet d’une action psychothérapique complexe, est de faire disparaître le clivage de la personnalité, de le faire évoluer en ambivalence saine, resituant la problématique du choix.

« A un moment, il y a cohérence entre l’image ou les images que je donne et l’image que je suis, une fois retrouvée la maîtrise de mes vies. »

Au temps de l’alcool, la distorsion d’images est souvent caricaturale. L’image du matin est contredite par celle du soir, tout comme l’image des journées en semaine s’oppose à celles du week-end. « Tu t’es vu quand tu as bu ? » affichait un slogan de prévention. La sensation subjective du buveur se dissocie très rapidement de l’image qu’il donne. Il s’opère un décrochage de la relation à l’autre alors même que c’est notre aptitude à apprécier la disponibilité et l’écoute de l’autre qui fonde une bonne communication. Le phénomène s’observe de façon très banale, en dehors même de l’influence d’une substance psychoactive.

 Nombreuses sont les personnes qui s’expriment sans tenir compte de l’autre, en se moquant d’établir les conditions d’un dialogue. Le sujet procède par affirmations catégoriques, qui ne souffrent pas de nuances ou d’avis contraires. L’image recherchée est alors celle de l’assurance. L’impression laissée est tout autre. La personne contrainte à l’approbation reste le plus souvent sans voix tout en estimant qu’elle a affaire à un(e) imbécile. Qu’importe au fond l’image que l’on donne de soi, si elle reflète ce que sommes ? Pourquoi vouloir donner le change ? La timidité sociale est recevable, le manque d’assurance également.

Ceux qui s’épuisent à donner une image excessivement flatteuse d’eux-mêmes perdent en naturel. Vouloir en mettre plein la vue revient à s’aveugler soi-même. L’accessoire altère l’essentiel. Pourquoi s’empêcher de manifester sa tristesse lorsque on est triste et sa joie quand on a le cœur léger ? L’arrêt de l’alcool fait gagner en naturel. La relation gagne à tomber les masques en exprimant des paroles sincères sous réserve de prendre suffisamment en compte la personne qui écoute et s’exprimera à son tour.

Les progrès relationnels sont à la mesure de la sobriété mentale des différents interlocuteurs. Une parole réfléchie nous fait advenir. En prenant l’habitude d’être nous-mêmes, nous nous mettons en situation de savoir qui nous sommes. Une parole intuitive fait advenir.

Tant que la parole est au service du faire valoir, la relation est improductive. Les médias donnent souvent des caricatures d’image. Chacun fait son numéro. Personne n'écoute personne. Les certitudes s’affrontent. Les monologues aboutissent au même résultat dès lors qu’ils sont déterminés par l’effet que l’on veut produire. Au fond, il existe deux façons simples de progresser en authenticité, de mettre en adéquation l’image donnée et ce que nous sommes. La première est le dialogue intérieur, en lien avec ses observations et ses moments de prise de recul. L’autre moyen est constitué par les échanges en groupe régis par des règles d’écoute attentive, en disant un peu de ce que nous sommes, avec un effort de concision et d’explicitation, ce qui exige de l’entraînement. Ceci est permis par le caractère du travail d’expression et d’élaboration au sein du groupe de parole.

Indépendamment même de la double personnalité, Jekyll et Hyde, et des effets d’images qui s’y rattachent, la connaissance de soi est différente de celle d’un livre ouvert. Nous existons aussi à partir de ce que nous faisons et permettons de faire.

Pensez-vous qu’il y ait concordance entre votre image et ce que vous estimez être ? Vos décalages d’images font-ils problème ?